Juifs et musulmans : Magda Haroun, gardienne de l’héritage judaïque en Égypte

Magda Haroun est à la tête de la communauté juive d’Égypte : une vingtaine de personnes âgées et démunies. Son rêve ? Un musée qui préserverait l’héritage judaïque… au même titre que les pyramides.

Magda Haroun. © Virginie Nguyen Hoang/Henslucas/Huma pour J.A.

Magda Haroun. © Virginie Nguyen Hoang/Henslucas/Huma pour J.A.

Publié le 10 novembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Juifs et musulmans : meilleurs ennemis
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Juifs et musulmans, meilleurs ennemis

Il suffit qu’on aborde la question d’Israël, et la brouille entre la communauté juive et la communauté musulmane semble insurmontable… Elles partagent pourtant des siècles d’histoire et de culture. Enquête sur un couple déchiré.

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"Quand j’allais à la synagogue avec mon grand-père, dans les années 1960, elle était éclairée et il y avait plein de monde, se souvient Magda Haroun. Aujourd’hui, quand je la vois vide et silencieuse, j’ai un serrement au coeur. Triste destin ! Qui pouvait imaginer qu’en Égypte il n’y aurait plus de juifs ?" Plus un seul, pas encore, mais leurs jours sont comptés. "Nous sommes une vingtaine, pour une population de 84 millions d’habitants", dit la présidente de la minuscule communauté – essentiellement des personnes de plus de 80 ans et très démunies. Cette ingénieure de 61 ans, qui travaille dans le domaine de la propriété intellectuelle au Caire, a succédé à une autre femme, Carmen Weinstein, décédée en avril à 82 ans. "Nous ne sommes que des femmes, il y a un seul homme juif, à Alexandrie", ajoute-t-elle dans un français chantant.

Amalgame entre juifs et Israëlien

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En Égypte, l’histoire du peuple de Moïse est celle d’un exil forcé. La communauté, qui comptait près de 80 000 membres à la fin des années 1940, s’est réduite au fil des bouleversements politiques du monde arabe : la création de l’État d’Israël en 1948, la crise du canal de Suez en 1956 et enfin la guerre des Six Jours en 1967 se sont accompagnées d’expulsions et d’arrestations arbitraires. "Pourquoi pousser à partir des gens qui, souvent, n’ont jamais mis un pied en dehors du Caire ou d’Alexandrie ? Il n’est pas dit que tout juif est dépendant d’Israël", regrette Magda Haroun. De fait, seul un tiers d’entre eux ont émigré en Terre promise, la plupart ayant choisi de se rendre en Europe ou aux États-Unis. Mais pour de nombreux Égyptiens, l’amalgame entre juif et Israélien est vite fait. Une situation qui a poussé les derniers juifs à faire profil bas dans une société de plus en plus intolérante vis-à-vis de ses minorités religieuses.

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Nourriture, médicaments… Magda Haroun essaie de subvenir aux besoins de ses coreligionnaires. "Je n’arrive pas à joindre les deux bouts !" En mai, le Sénat, dominé par les Frères musulmans et les salafistes, a supprimé les subventions mensuelles de 7 400 livres (environ 790 euros) versées à la communauté depuis 1988. Sa principale source de revenus, désormais, est la location d’écoles au ministère de l’Éducation. Magda Haroun a réclamé un rabbin aux autorités, qui lui ont répondu qu’elles allaient étudier la constitutionnalité de la demande. Sur les treize synagogues que l’on trouve encore au Caire, seules trois sont ouvertes au public.

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"Je veux ouvrir les synagogues à tout le monde, je veux que le tabou sur les juifs soit levé", affirme Magda Haroun, rêvant d’un retour à la société cosmopolite de son enfance. "On ne faisait pas de différence entre musulmans, chrétiens et juifs. Il faut recréer ce rapprochement." Elle souhaiterait même ouvrir un musée du judaïsme et voir le pays prendre enfin conscience de la valeur de ce patrimoine – et le préserver. "Nous avons des torahs de toute beauté qui viennent de tous les coins du monde. J’ai retrouvé des machines à écrire en hébreu, des tasses avec l’étoile de David… J’espère que l’État va s’occuper des vestiges de la communauté, des synagogues. C’est l’héritage de ce pays. Comme les pyramides, les églises et les vieilles mosquées."

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