Kabila III

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 28 octobre 2013 Lecture : 2 minutes.

Joseph Kabila, président de l’immense République démocratique du Congo (RDC), a 42 ans. L’âge où l’on se raconte enfin sans mentir, sans enjoliver sa vie ni la radoter, l’âge de la lucidité, des remises en question et des choix raisonnés. En écoutant, le 23 octobre, son long discours à la nation devant les deux chambres réunies en congrès, au kitschissime Palais du peuple de Kinshasa, je me suis demandé si une salutaire crise de la quarantaine n’avait pas saisi cet homme insaisissable et secret, parvenu au pouvoir comme par effraction un jour de janvier 2001 et dont la gouvernance de ce pays ingérable a longtemps ressemblé à celle d’Edward Smith, le légendaire commandant du Titanic. Les délégués aux concertations nationales, qui l’ont longuement applaudi, et les citoyens congolais, qui ne cessent depuis de le commenter avec passion, ne s’y sont pas trompés : ce discours est étonnant. Parce qu’il convient de le lire aussi comme une autocritique ? Certes. Mais aussi parce qu’il dénote chez celui qui l’a prononcé d’une voix monocorde la maturité et l’audace inattendues… d’un homme d’État.

Maturité du diagnostic, lorsque Kabila dénonce "l’ambiance de corruption, de détournement des deniers publics, de coulage des recettes publiques et d’enrichissement illicite" qui mine l’économie congolaise, lorsqu’il fustige ces officiers "qui ont pour maîtres l’argent et le drapeau", parle du vécu de ses compatriotes étouffés par le crédit inaccessible, une fiscalité irrationnelle et la concurrence sauvage des commerçants chinois. Audace des propositions, quand le même Kabila appelle de ses voeux la formation d’un "gouvernement de cohésion nationale" ouvert à l’opposition et à la société civile, quand il entend obliger tous les mandataires publics à déclarer leurs biens, annonce la nomination d’un conseiller spécial chargé de traquer ministres et fonctionnaires indélicats ou quand il s’engage sur la voie de la parité élective en réservant un pourcentage de sièges pour lesquels la compétition serait exclusivement réservée aux femmes. Audace et maturité enfin, quand le fils du Mzee assassiné déclare pour la première fois que des dispositions vont être prises pour rapatrier et inhumer dans la dignité, en terre congolaise, les dépouilles de Mobutu Sese Seko et de Moïse Tshombe, soldant ainsi les comptes douloureux d’une indépendance qui n’eut de cha-cha que le titre de la chanson culte de Grand Kallé.

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Pour changer ce Congo auquel il souhaite "redonner ses lettres de noblesse", Joseph Kabila estime que "nous devons d’abord changer notre manière de vivre. Changement de mentalités, de méthodes et de comportement". Bien vu. À condition de donner lui-même l’exemple, et qu’au discours succèdent les actes. Kabila I, de 2001 à 2006, fut un jeune homme modeste, attentif et riche de promesses. Kabila II, de la présidentielle de 2006 à hier, un apprenti autocrate à qui des conseillers de l’ombre avaient fait croire que la suffisance goguenarde pouvait tenir lieu de charisme. Un Kabila III gagné par la sagesse au mitan de sa vie est-il né ce 23 octobre ? Il lui reste à peine trois ans, jusqu’au terme de son dernier mandat, si l’on en croit les termes d’une Constitution dont il s’est juré de respecter "l’esprit et la lettre", pour le démontrer. 65 millions de Congolais ne demandent qu’à y croire…

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