Bonnes nouvelles…
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 8 novembre 2013 Lecture : 5 minutes.
Il arrive que des informations importantes n’aient pas le retentissement qu’elles méritent, que les médias les ignorent ou les sous-estiment. Et que l’attention de la plupart d’entre nous, par voie de conséquence, ne soit pas attirée par ce qu’elles révèlent ou annoncent.
Trois d’entre elles ont retenu mon attention parce qu’elles révèlent et annoncent des évolutions de nos sociétés. Les cerner aujourd’hui permet de voir venir ce qui nous attend demain.
1– La première nous est venue d‘Islamabad, capitale du Pakistan. Peu d’entre nous ont perçu combien était révolutionnaire et significatif le geste accompli, le 6 octobre, par le général pakistanais Ashfaq Parvez Kayani.
Chef de l’armée depuis six ans, il a créé la surprise en annonçant, ce jour-là, au terme de quarante-deux années de service, sa décision de se retirer, le 29 novembre, à la fin de son mandat à la tête de l’état-major.
Forte de 500 000 hommes, l’armée pakistanaise est véritablement un État dans l’État : ses chefs sont plus enclins à renverser les Premiers ministres qu’à leur remettre leur démission, et ils ont exercé directement le pouvoir pendant près de trente ans.
L’actuel Premier ministre, Nawaz Sharif, revenu au pouvoir en mai dernier à la faveur des urnes, avait, auparavant, été renversé par le général Pervez Musharraf, qu’il avait lui-même nommé à la tête de l’armée…
Le général Kayani a dit sobrement : "Les institutions et les traditions sont plus importantes que les individus ; elles doivent être renforcées, et le temps est venu de faire du Pakistan un État réellement démocratique, prospère et apaisé."
Le Pakistan n’a connu jusqu’ici qu’une vie agitée, ponctuée de guerres et de coups d’État. Grâce à ce geste positif d’un général raisonnable, le voici, enfin, à notre agréable surprise et au bout de soixante-six ans d’indépendance, orienté vers un destin plus ordonné.
Le régime civil y est consolidé et une ère démocratique s’ouvre devant ce grand pays musulman. Souhaitons-lui de s’y ancrer.
Pendant ce temps, un autre pays musulman de près de 90 millions d’habitants, l’Égypte, sorti depuis peu de la férule cinquantenaire de son oligarchie militaire, paraît tenté d’y retourner.
Souhaitons-lui que le commandant en chef de ses forces armées, le général Abdel Fattah al-Sissi, s’inspire de l’exemple de son homologue pakistanais. Et puisse le geste du général Kayani constituer un précédent pour d’autres officiers généraux…
2– La deuxième information qui n’a pas eu l’impact qu’elle mérite est appelée à transformer la vie de centaines de millions d’Africains.
Pour désigner le terrible fléau africain qu’est le paludisme, on dit en Afrique, avec résignation, le palu.
On y est soumis comme à une fatalité, et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue à 200 millions le nombre de personnes piquées par les moustiques porteurs des parasites qui s’installent dans le sang des personnes contaminées et détruisent leurs globules rouges.
Il tue plus de 600 000 personnes par an ; la plupart d’entre elles sont des enfants en bas âge, et 90 % de ses victimes vivent en Afrique subsaharienne.
Le 8 octobre est tombée la nouvelle tant attendue et dont on espère qu’elle annonce une régression significative de la maladie et sa fin prochaine.
Des essais menés sur 15 000 patients pendant dix-huit mois dans onze centres de recherche et sept pays africains ont permis aux chercheurs de crier Eurêka !
Mis en expérimentation par GlaxoSmithKline (avec l’aide financière de la Fondation Gates), un vaccin s’est révélé efficace contre le parasite s’il est attaqué avant qu’il ne s’installe dans le foie de la personne contaminée.
Il s’agit là d’une découverte scientifique majeure, et l’on pense que l’OMS homologuera et recommandera ce vaccin dès 2015.
Les chercheurs s’astreignent à la prudence, mais si ce qu’ils ont découvert se confirme, comme on l’espère, l’Afrique subsaharienne – plus de 800 millions d’êtres humains -, handicapée et retardée dans son développement plus qu’on ne l’imagine, recevra, à partir de 2015, le boost le plus important depuis la fin de l’esclavage !
>> Lire aussi : l’alliance Gavi prudente au sujet du premier vaccin prévu en 2015
3– Les négociations entre Israël et les Palestiniens. Elles ont repris il y a trois mois, mais on ne sait guère si elles progressent ou si elles tournent en rond.
Le secrétaire d’État américain, John Kerry, en est le deus ex machina ; il a obtenu du président de l’Autorité palestinienne qu’il reprenne langue avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, aux conditions de ce dernier.
Et de Benyamin Netanyahou, en signe de bonne volonté, qu’il libère en trois ou quatre étapes une centaine de prisonniers palestiniens.
Les négociateurs se sont engagés vis-à-vis de John Kerry à observer le silence, raison pour laquelle nous ignorons presque tout de l’évolution de ces pourparlers.
Attaché à la réussite de cette étrange négociation, dont il a fixé la durée à neuf mois, celle d’un enfantement, et dont il attend qu’elle fasse de lui un Prix Nobel de la paix, le secrétaire d’État américain a tenu à nous dire que les négociateurs se sont déjà rencontrés treize fois. Mais que Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas, eux, ne se sont pas vus.
Pour "lubrifier" l’entreprise, le Qatar, qui fait office de trésorier des États-Unis et de l’opération, vient de verser 150 millions de dollars à l’Autorité palestinienne.
"J’appelle d’autres pays arabes à suivre l’exemple du Qatar", a déclaré John Kerry, avant de s’enfermer avec Benyamin Netanyahou à Rome pendant sept heures.
John Kerry sait que ses chances de conclure la paix entre Israël et les Palestiniens sont minces. Il va donc sortir de sa manche, en novembre, la carte économique.
Je l’appellerai "Le nouveau plan de Constantine", en référence à ce que la France du général de Gaulle avait imaginé pour résoudre, par l’économie, le problème algérien, qui était politique. Son "plan de Constantine", qui n’a rien résolu, a consisté à déverser sur le pays un tombereau d’investissements économiques et de programmes sociaux.
C’est Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, qui s’était compromis en lançant son pays, aux côtés de George W. Bush, dans la guerre d’Irak, qui va présenter et piloter "l’initiative économique pour la Palestine".
Devenu le représentant du "Quartet" (États-Unis, Union européenne, ONU, Russie.) pour le Proche-Orient, ce fidèle ami de Benyamin Netanyahou s’est mis au service de John Kerry pour le volet économique de son entreprise.
"Nous ne pouvons pas vous donner l’État de vos rêves, dira-t-il aux Palestiniens, mais si vous acceptez l’État croupion que concédera Benyamin Netanyahou, avec la participation du secteur privé, nous déverserons en Cisjordanie et à Gaza 4 milliards de dollars qui transformeront votre État en quelque chose qui ressemble à Porto Rico, État libre associé aux États-Unis…"
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