UA – CPI : la grande entourloupe
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 22 octobre 2013 Lecture : 2 minutes.
Méritons-nous nos dirigeants actuels ? J’ai retourné la question dans tous les sens, et ma réponse est non. À Addis-Abeba, en Éthiopie, nos chefs d’État se sont retrouvés le 13 octobre pour un sommet extraordinaire de l’Union africaine. À l’ordre du jour de ce sommet : la menace, de la part de ceux qui y avaient adhéré de leur plein gré, de claquer la porte de la Cour pénale internationale (CPI). Tout comme certains habitants de notre continent, l’organisation panafricaine n’en peut plus de voir la CPI, vêtue de racisme et de néocolonialisme, continuer de persécuter, d’humilier les saints hommes que sont Uhuru Kenyatta, William Ruto et Omar Hassan el-Béchir. Au cas où vous l’auriez oublié, ces hommes ont les mains propres, la conscience immaculée. Pourtant, curieusement, aucun pays africain membre de la CPI ne s’est retiré de cette institution après le sommet extraordinaire de la capitale éthiopienne. La rencontre s’est achevée par une pirouette : que la CPI suspende les poursuites contre des chefs d’État en exercice. Tout un sommet et des dépenses d’argent pour en arriver là ?
Et à Lampedusa, petite île du sud de l’Italie, savez-vous ce qui s’est passé ? Des centaines d’Africains ont péri dans la mer. Ils venaient pour l’essentiel d’Érythrée et de Somalie. Ils allaient au-devant d’un bonheur introuvable dans leurs pays respectifs, une vaste prison à ciel ouvert pour le premier ; un État fantomatique qui essaie de renaître pour le second. Ils en sont morts. L’Italie a pleuré et enterré ceux dont les corps ont été retrouvés. Et nous ? Pas un mot, pas même un chuchotement. Pas une larme, même de crocodile. Pas un linceul. Pas un cercueil. Pas un kopeck. Pas de drapeau en berne. Pas de deuil. Pas de minute de silence. Rien ! Et qu’est-ce que nos dirigeants ont trouvé de mieux à faire ? Nous distraire en se réunissant pour vilipender, une fois de plus, une "justice des Blancs" contre de gentils nègres ! Dites-moi si ce n’est pas honteux.
Messieurs les présidents, mesdames les présidentes, en vous regardant droit dans les yeux, je vous demande : "Pourquoi êtes-vous à la tête de nos États ?" Je m’imaginais, naïvement, que votre raison d’être c’est le bonheur de vos différents peuples, l’avenir du continent. Je m’imaginais, naïvement encore, que vous vous préoccupiez du sort de votre jeunesse bardée de diplômes ou déscolarisée, une jeunesse désemparée, déboussolée, vivant d’expédients, qui ne travaillera peut-être jamais, mais qui défie la mort afin de trouver un morceau de bonheur ailleurs.
Je croyais, très naïvement encore, messieurs les présidents, mesdames les présidentes, que la tragédie de Lampedusa, qui n’est qu’une répétition, aurait provoqué en vous un sursaut d’orgueil, de fierté, pour vous réunir, réfléchir et trouver des solutions pour que l’avenir de notre jeunesse ne se résume pas à un naufrage en Méditerranée. Au lieu de cela, vous tentez de nous mener en bateau avec des problématiques qui n’en valent pas la peine. Indifférents, vous laissez les autres, ceux-là mêmes dont vous dénoncez le prétendu néocolonialisme, pleurer, enterrer vos propres enfants. Ces enfants auxquels vous refusez le droit de vivre. l
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