États-Unis : l’implacable Kym Worthy

La procureure de Detroit, Kym Worthy, a déjà fait tomber le maire de la ville pour corruption. Elle s’attaque aujourd’hui aux délinquants sexuels passés entre les mailles du filet judiciaire.

Kym Worthy au cours d’une conférence de presse, le 1er août à Dearborn, Michigan. © Max Ortiz/AP/Sipa

Kym Worthy au cours d’une conférence de presse, le 1er août à Dearborn, Michigan. © Max Ortiz/AP/Sipa

Clarisse

Publié le 22 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Detroit, Michigan. Dans un entrepôt de la police, 11 304 prélèvements d’ADN trônent sur des étagères. Ils ont été réalisés dans le cadre d’enquêtes sur des affaires de viols, puis abandonnés. Souvent faute de moyens, parfois par négligence. Cela fait beaucoup de victimes ignorées, désemparées ou résignées, à qui, depuis 2009, la procureure Kym Worthy, 56 ans, s’efforce de rendre justice.

C’est dans cet objectif qu’elle a pris possession du "trésor de l’entrepôt". Et qu’elle a recruté une équipe de bénévoles, détectives ou experts de la police scientifique. Leur mission ? Répertorier un à un les échantillons en souffrance, identifier leurs propriétaires, procéder à des analyses et élaborer une base de données qui puisse être comparée aux fichiers du FBI. Grâce à ce travail de fourmi, 1 600 prélèvements ont à ce jour été analysés. Et 37 violeurs identifiés. Parmi eux, des tueurs en série comme Shelly Andre Brooks, qui a violé et assassiné au moins cinq femmes. Son ADN avait été prélevé dans une affaire de viol, mais jamais analysé…

la suite après cette publicité

Pour prévenir le renouvellement de pareilles tragédies, Kym Worthy souhaite analyser tous les prélèvements stockés à Detroit. Hélas, elle manque d’argent, et il lui a fallu lancer des appels à la télévision. Dans un premier temps, les autorités sont restées coites. D’abord, parce que Detroit est loin d’être un cas isolé. Ensuite, parce que la ville est en faillite et qu’une analyse coûte cher : entre 1 200 et 1 500 dollars.

La presse s’étant emparée du dossier, Worthy a fini par recevoir de l’État fédéral une subvention, aujourd’hui épuisée, de 1 million de dollars (739 000 euros). Celui du Michigan devait lui allouer prochainement 4 millions de dollars, mais on ne sait ce qu’il adviendra : entre-temps, le budget global du bureau du procureur a été drastiquement réduit. Des dons viennent aussi d’organismes privés comme la Joyful Heart Foundation, cofondée par l’actrice Mariska Hargitay, elle-même victime il y a des années d’une agression sexuelle. C’est d’ailleurs aussi le cas de Worthy, qui fut violée à l’époque où elle était étudiante mais s’abstint de porter plainte par crainte d’être "stigmatisée".

C’est en 1991 que, pour la première fois, cette battante fit irruption sur le devant de la scène médiatique en faisant condamner une certaine Toni Cato Riggs, meurtrière de son mari, un vétéran de la guerre du Golfe.

La femme la plus crainte de la ville

la suite après cette publicité

En 2004, elle est la première femme et le deuxième Africain-Américain à être nommée procureure du comté de Wayne (Michigan). Mais son succès le plus retentissant, elle l’obtient quatre ans plus tard avec la condamnation pour corruption de Kwame Kilpatrick, le flamboyant maire de Detroit. À en croire le magazine Essence, elle est la femme la plus crainte de la ville. Aujourd’hui encore, son acharnement à faire condamner l’édile en résistant à toutes les pressions divise ses concitoyens. Pour certains, elle est une héroïne. Pour d’autres, une arriviste. Les électeurs ont tranché : un an plus tard, elle a été triomphalement réélue. Mais madame la procureure s’efforce de relativiser : l’affaire Kilpatrick n’est que l’un des 80 000 dossiers archivés dans son austère bureau décoré de dessins d’enfants, dit, faussement modeste, cette mère de trois filles adoptives.

Ses partisans sont convaincus que, fille du premier Noir admis à l’académie militaire de West Point dans les années 1950, elle peut prétendre aux plus hautes fonctions : attorney general, gouverneure… La Maison Blanche ? Elle jure ne pas être intéressée, mais personne n’est obligé de la croire.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires