Christian Pietri, Africain 2.0 : « J’aime être avec les miens »

Recruté par une multinationale à Nouakchott, ce Togolais surdoué de l’informatique ne veut en aucun cas quitter le continent. Et entend même, par son exemple, en dissuader les plus jeunes.

Christian Pietri à Tinguite, à une centaine de kilomètres de la capitale mauritanienne. © Anne Frintz pour JA

Christian Pietri à Tinguite, à une centaine de kilomètres de la capitale mauritanienne. © Anne Frintz pour JA

Publié le 28 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Avec son allure d’étudiant, Christian Pietri, jeune Togolais émigré à Nouakchott, ne paie pas de mine. Dans les entreprises et chez les particuliers où ce trentenaire intervient régulièrement en qualité d’ingénieur informaticien, personne ne s’imagine qu’il touche mensuellement le salaire moyen d’un cadre en Europe. Ni qu’il est assistant informaticien au sein de la multinationale Total. "Le fric, ce n’est pas un problème. Ma profession, c’est le métier du moment. J’ai toujours de quoi vivre, et largement, explique-t-il, plein d’assurance. À la compagnie, mes DRH m’ont invité plus d’une fois à faire un effort sur le plan vestimentaire. Je leur ai répondu que c’est ma matière grise qui importait, et ils ont laissé tomber."

Convoité pour sa capacité à résoudre tous types de problèmes, dont les redoutés plantages de serveurs, Christian enchaîne les semaines de cinquante heures. C’est l’un de ses clients particuliers qui lui a conseillé, il y a neuf mois, de postuler au poste d’assistant au sein de Total. "J’ai passé les tests et les entretiens comme tout le monde. J’avais juste eu l’info", précise-t-il. Depuis, il a obtenu, à sa demande, une affectation à Lomé, au Togo, qu’il rejoindra dans un an.

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Christian aura passé près de quatre ans en Mauritanie, où il a travaillé pour une filiale de Canon, pour une école d’informatique et à son propre compte. "Quand Canon Mauritanie m’a contacté il y a quatre ans, je leur ai dit que je ferais l’entretien d’embauche à Nouakchott", se souvient-il. Deux mois plus tard, il se rend dans la capitale mauritanienne par route pour préserver ses 90 kg d’ordinateurs, de câbles et d’outils, sensibles aux rayons des portiques de sécurité des aéroports, mais aussi pour le plaisir de la découverte. "J’aime l’Afrique, ses immensités, ses ambiances. J’aime être avec les miens. Je ne quitterai le continent pour rien au monde… Sauf peut-être pour une femme. Ici, tout est à faire", s’enthousiasme le jeune homme.

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Un passionné d’informatique débrouillard

Christian n’avait que 10 ans lorsqu’il a touché pour la première fois à un ordinateur. C’était dans les années 1990, à Lomé, chez des amis dont le père est informaticien. Le petit garçon découvre une machine bien plus passionnante que ses autos en boîtes de conserve – privé de jouets par son père, qui "voulait [que ses enfants] réussisse[nt]", il les fabriquait lui-même. À l’âge de 16 ans, il est initié par son demi-frère, de vingt ans son aîné, qui venait d’être recruté par une banque panafricaine en tant que responsable informatique. La curiosité et la passion feront le reste. Elles poussent Christian, bac en poche, à partir pour le Ghana, où il prépare un master en génie informatique à l’université Kwame-Nkrumah d’Accra. Bien qu’issu d’une famille aisée, il préfère se débrouiller seul. De dépannages informatiques en cours de français, il parvient à se faire un peu d’argent pour payer ses études. Une fois diplômé, il enchaîne sur une formation de graphiste pour compléter celle dans le hardware et le software. Ses condisciples ne pensent qu’à danser, mais lui, après avoir frôlé la mort dans un accident de moto qui lui a valu trois mois de coma, ne se détourne pas de son objectif.

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"De retour au Togo après sept ans d’études, j’aurais pu bosser dans l’entreprise de l’un de mes oncles ou demander un prêt à mon père pour ouvrir ma boîte. Mais je voulais découvrir le monde et être indépendant", souligne-t-il. D’où les quatre dernières années en Mauritanie, et son prochain retour au Togo. "À Lomé, je veux ouvrir une école d’informatique dans quelques années, former des jeunes, leur montrer tout ce qu’il est possible d’accomplir ici. J’espère qu’à 45 ans je serai consultant, que mon école tournera toute seule. À ce moment-là, je serai devenu un exemple pour la jeunesse. Et peut-être que ça contribuera, même modestement, à dissuader les jeunes d’émigrer en Europe, en Asie ou en Amérique."

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