Libye : les derniers VIP du régime Kadhafi monnayent leur libération

Abdallah Senoussi, l’ancien chef du renseignement militaire de Mouammar Kadhafi, négocie depuis plusieurs mois sa libération. Il est l’un des derniers cadres de la Jamahiriya encore derrière les barreaux depuis la libération de plusieurs anciens ministres et des fils de Kadhafi. Enquête.

Abdallah Senoussi, ancien chef du renseignement militaire de Kadhafi, lors de son procès, le 20 avril 2015, à Tripoli. © Hazem Turkia/Anadolu Agency via AFP

Publié le 29 juin 2022 Lecture : 6 minutes.

Des hommes armés et encagoulés barrent la route conduisant à la plus grande prison de l’ouest de la Libye, accolée à l’aéroport de Mitiga, dans la périphérie de Tripoli. Derrière ses hauts murs blancs, un quartier entier est réservé à son plus célèbre prisonnier, Abdallah Senoussi. « Il est traité comme un VIP et régulièrement ausculté par ses médecins privés », assure à Jeune Afrique un gardien du pénitencier.

À l’écart des autres détenus souvent maltraités, l’ex-dignitaire de 73 ans peut circuler librement entre plusieurs baraquements, selon le jeune garde interviewé après son service à plusieurs dizaines de kilomètres de distance. Il aurait même le privilège de partager les repas servis aux surveillants-chefs de la Force spéciale de dissuasion (Radaa), la puissante milice salafiste d’Abdel Raouf Kara qui contrôle la zone de Mitiga.

En 2019, elle s’était vue confier la garde de l’homme des basses besognes du régime Kadhafi, l’organisateur de l’attentat qui a tué les 170 passagers du vol DC-10 d’UTA en 1989, pour lequel la justice française l’a condamné – en son absence – à la réclusion criminelle à perpétuité.

C’est la troisième faction à détenir le beau-frère de Kadhafi, surnommé « le boucher », depuis sa capture et son incarcération en 2012. L’accueil n’a pas toujours été aussi royal. Les premières années à la prison d’Hadhaba, il est aux mains d’anciens détenus islamistes emprisonnés sous la dictature de Mouammar Kadhafi, passés geôliers après la chute du colonel en 2011. Dans une inversion tragique des rôles, Senoussi est passé à tabac et placé des mois en isolement.

Monnaie d’échange

Une décennie plus tard, il n’est plus question de vengeance. « Nous l’utilisons comme une monnaie d’échange », explique, sous couvert d’anonymat, le garde à la barbe fournie de Radaa. En clair, la milice qui détient – et maintient en bonne santé – l’un des derniers et plus puissants caciques du régime Kadhafi l’utilise pour conserver son influence au sein de l’appareil sécuritaire libyen.

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