[Enquête] UA – Moussa Faki Mahamat : « Il faut dépasser les souverainetés étriquées pour voir plus grand en Afrique »

« L’Union africaine a 20 ans : les illusions perdues (4/4). » Tensions entre la RDC et le Rwanda, coups d’État, modifications de Constitutions… Entretien avec le Tchadien Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’institution.

Moussa Faki, le président de la Commission de l’Union africaine, à Addis-Abeba, en mars 2019. © MONTAGE JA : LUDOVIC MARIN/AFP

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Publié le 1 juillet 2022 Lecture : 14 minutes.

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Union africaine : les illusions perdues

Née en 2002, l’UA continue d’être perçue par les Africains comme inefficace et peu crédible. Retrouvez tous les articles de notre enquête.

Sommaire

Début juillet, l’Union africaine (UA) célébrera ses 20 ans. Un anniversaire marquée par l’aggravation de la situation sécuritaire au Sahel, la résurgence des coups d’État et des modifications de constitutions, ou les dérives constatées en matière de bonne gouvernance. Alors, l’UA, récemment passée à l’âge adulte, a-t-elle rempli ses objectifs ?

Reconduit pour un second mandat à la tête de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat est aujourd’hui encore en première ligne. Critiqué sur sa gestion de la crise au Tchad après la mort d’Idriss Déby Itno, réputé effacé au Sahel ou face aux chefs d’État africains, il défend sa ligne politique, celle d’une collaboration avec les institutions régionales et d’une recherche forcenée, mais difficile, de l’autonomie financière.

Jeune Afrique : L’actualité récente est marquée par la reprise de la rébellion du M23 dans l’est de la RDC et par la montée des tensions entre Kigali et Kinshasa. Comment l’UA peut-elle contribuer à un retour de la paix ?

Moussa Faki Mahamat : Dans l’est de la RDC, les rébellions sévissent depuis très longtemps. Les Nations unies et les pays voisins sont intervenus à maintes reprises, mais le phénomène persiste. Depuis 2018, les relations entre la RDC et le Rwanda s’étaient nettement améliorées, puis la situation s’est subitement détériorée à nouveau. Nous en avons parlé au cours du sommet extraordinaire de l’UA il y a quelques semaines à Malabo, en Guinée équatoriale. Nous avons décidé de confier le dossier au président angolais Joao Lourenço, qui est le président de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs [CIRGL]. Il y a aussi une autre initiative que nous encourageons, celle de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), qui a d’ailleurs décidé récemment d’un déploiement d’une force régionale dans l’est du Congo. Notre espoir est que les interventions des uns et des autres aboutissent à la désescalade.

La CIRGL et l’EAC sont effectivement en première ligne, mais l’UA en paraît d’autant plus absente. N’a-t-elle pas un plus grand rôle à jouer que celui de soutien des organisations sous-régionales ?

Notre position actuelle ne signifie pas que l’UA est absente des débats. Notre politique est conforme à notre principe, qui est celui de la subsidiarité et de la complémentarité avec les communautés régionales. C’est avant tout une question de logique : les pays voisins sont plus à même de saisir les réalités complexes du terrain que d’autres États plus éloignés ou que certains diplomates à Addis-Abeba. Nous avons déjà procédé ainsi en Afrique de l’Ouest, au Mali, au Burkina Faso et en Guinée. Nous y soutenons les actions de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest [Cedeao] et nous prenons part à tous les sommets de l’organisation.

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Il y a une répartition des tâches. Le Conseil paix et sécurité [CPS] de l‘UA a une compétence générale et peut se substituer s’il le souhaite aux institutions sous-régionales. Mais la pratique, pour plus d’efficacité, est de privilégier et de soutenir en premier lieu une approche « locale ». Pour le Mali, le Burkina Faso ou la Guinée, les décisions de la Cedeao ont été entérinées par l’UA. Nous travaillons ensemble.

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