Présidentielle malgache : un candidat peut en cacher un autre

Le président sortant et son prédécesseur n’ont pas pu se présenter à l’élection qui a débuté ce 25 octobre ? Qu’à cela ne tienne, ils ont trouvé leurs poulains : Hery et Robinson.

Robinson Jean-Louis, à g. et Hery Rajaonarimampianina à dr. © glez

Robinson Jean-Louis, à g. et Hery Rajaonarimampianina à dr. © glez

Publié le 24 octobre 2013 Lecture : 4 minutes.

Ils ont en commun des lunettes de professeur d’université, une dégaine de rond-de-cuir, une étiquette de candidat de substitution et un statut – très relatif dans le contexte actuel – de favori. Autre particularité que partagent Robinson Jean-Louis et Hery Rajaonarimampianina : il y a à peine trois mois, aucun Malgache n’aurait parié un ariary sur leurs chances d’être élus à la magistrature suprême. À dire vrai, rares étaient ceux qui connaissaient leur existence. Aujourd’hui, ils sont les deux candidats qui attirent le plus de monde à leurs meetings.

Ceux que tout le monde appelle Robinson et Hery ne doivent cette soudaine popularité ni à leur charisme ni à leur parcours. S’ils sont considérés comme les favoris du premier tour de la présidentielle, le 25 octobre, c’est parce que la communauté internationale a pesé de tout son poids pour que ni Andry Rajoelina, ni Marc Ravalomanana, ni même son épouse Lalao ne puissent y participer. Et parce que ces derniers les ont choisis pour les représenter et, espèrent-ils, leur permettre, pour le premier de rester au pouvoir, pour les deux autres de le retrouver.

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Robinson promet le retour de "Dada"

De simples prête-noms ? Leur entourage n’apprécie guère ce qualificatif mais ne va pas jusqu’à nier l’évidence. « Sans le soutien de Ravalomanana, Robinson n’aurait pas existé dans cette campagne », admet un proche du candidat. Lorsqu’il a déposé sa candidature, en avril, ce médecin de 61 ans et son parti, Avana (créé trois ans plus tôt), sont sortis de l’oubli. « Robinson a quitté son île déserte », ont ironisé les esprits caustiques. Il s’apprêtait à y retourner quand les Ravalomanana ont jeté leur dévolu sur lui, mi-septembre. « Robinson a travaillé avec Marc, il a été un cadre de son parti et c’est un homme de parole, nous lui faisons confiance », assure un proche de l’ex-chef de l’État. Ce métis franco-sino-malgache réputé rigoureux, ministre de la Santé puis de la Jeunesse de Ravalomanana durant cinq ans, avait cependant pris ses distances après la chute de son leader.

C’est un piètre tribun ? Pas grave, sa force est ailleurs : elle a pour noms Lalao et Marc. Robinson a beau jurer n’avoir conclu aucun accord avec eux, l’ombre des Ravalomanana plane sur sa campagne. Sur ses affiches : le couple, bien qu’au second plan, prend plus de place que le candidat. Dans ses discours : il ne manque pas une occasion de promettre le retour au pays de « Dada ». Dans ses meetings : rares sont ceux auxquels l’épouse du président déchu ne participe pas ; il est également fréquent que Marc, depuis son exil sud-africain, intervienne par téléphone. Loin d’être un fardeau, ce soutien est une bénédiction pour Robinson. « Sa campagne a pris une autre tournure, glisse un de ses conseillers. Maintenant, nous pouvons espérer l’emporter, peut-être dès le premier tour. »

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L’influence de Rajoelina dans la campagne de Hery, un expert-comptable de 55 ans issu de la haute société merina, protestant et franc-maçon, est moins perceptible. Le président de la Transition n’apparaît nulle part. Officiellement, il ne soutient personne, mais en coulisses, il a fait son choix : son poulain, c’est Hery. Quand il a déposé son dossier à la dernière minute, mi-août, le candidat savait qu’il aurait les faveurs de Rajoelina, de son entourage politique et des hommes d’affaires qui gravitent autour de la présidence, à commencer par le plus influent d’entre eux, Mamy Ravatomanga. Les liens entre les trois hommes sont étroits. En 2009, c’est Ravatomanga qui souffle le nom de Hery à Rajoelina. L’intéressé est alors le commissaire aux comptes de son empire économique, le groupe Sodiat. Rajoelina lui donne les Finances et le Budget. En 2011, il est en outre nommé président du conseil d’administration d’Air Madagascar, au sein duquel figure également… Ravatomanga.

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Proche des scandales politico-financiers

Au fil des ans, Hery se rend indispensable et intègre le premier cercle des collaborateurs de Rajoelina. Quand, en décembre 2011, le président est reçu par Nicolas Sarkozy à l’Élysée, son ministre est sur la photo. C’est lui qui met en musique les « chantiers présidentiels », lui surtout qui évite au pays la banqueroute et qui fait en sorte que les fonctionnaires soient payés chaque mois. Son action à la tête du ministère est saluée jusque dans les chancelleries, où on lui sait gré d’avoir maintenu Madagascar à flot malgré la suspension des aides internationales. Un diplomate africain admet d’ailleurs que nombre de partenaires verraient son élection d’un bon œil, notamment la France.

Malgré cette réputation flatteuse, Hery aurait eu bien peu de chances de jouer un rôle sans la machine de guerre du régime. Elle lui a permis de remplir le Coliséum d’Antananarivo (50 000 places), fin septembre, et lui offre une place de choix dans les médias publics. Cette puissance de feu indigne ses adversaires, qui rappellent qu’en tant que grand argentier de la Transition il ne peut être totalement étranger aux scandales politico-financiers qui l’ont émaillée. « S’il est élu, ce ne sera pas la fin de la Transition, ce sera sa perpétuation », grogne un patron. Hery lui-même ne renie pas le bilan de ces quatre dernières années, mais il assure qu’avec lui une nouvelle ère s’ouvrira. Le slogan de sa campagne ? « La rupture dans la continuité. » Comprenne qui pourra.

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Armada de seconds couteaux

En l’absence de Rajoelina et de Ravalomanana, c’est à des seconds couteaux que les 7,8 millions d’électeurs malgaches devront donner leur voix le 25 octobre. "Avec 33 candidats, c’est une élection très ouverte", reconnaît-on dans les états-majors des prétendants. Avant qu’Hery Rajaonarimampianina ne se présente, trois des favoris ont cru obtenir le soutien de Rajoelina, dont ils furent des compagnons de route : un côtier, le général à la retraite et ancien Premier ministre Camille Vital, et deux Merina, l’ancien vice-Premier ministre chargé de l’Aménagement du territoire Hajo Andrianainarivelo, et le maire par intérim d’Antananarivo Edgard Razafindravahy. Dernier favori, Pierrot Rajaonarivelo, récent ministre des Affaires étrangères, pourra compter sur l’électorat de l’autre grand absent de ce scrutin, Didier Ratsiraka, même si les deux hommes sont fâchés.

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Hajo Andrianainarivelo, Jean Lahiniriko, Roland Ratsiraka et Pierrot Rajaonarivelo. © AFP/DR/Montage J.A.

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