La RDC sans faux semblants sous l’œil de ses photographes locaux
Dans « Congo in Conversation » et « Congo, une lutte sublime », une dizaine de photographes documentent le quotidien des Congolais, avec lucidité et humanisme.
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Nous nageons chaque jour dans un océan de photographies, produites aussi bien par des professionnels de l’image – communicants, propagandistes, journalistes –, que par des citoyens ordinaires avec leur téléphone portable. Dans ce flot interrompu, comment raconter un pays avec justesse, sans injustice ?
La question se pose chaque jour, et elle s’est posée avec particulièrement d’acuité en 2020 aux jurés du 11e prix Carmignac du photojournalisme, consacré à la République démocratique du Congo (RDC). Alors que le photographe britannico-canadien Finbarr O’Reilly était choisi comme lauréat et entamait son reportage, la pandémie de coronavirus frappait le monde, contraignant chacun à rester chez soi et aggravant des conditions sanitaires déjà fortement dégradées.
Reportage collaboratif et non eurocentré
Face à cet imprévu, le photographe et l’équipe du prix ont pris le temps de repenser leur travail. « Sachant que la photographie a environ 180 ans, il va nous falloir inventer une autre notion de la photographie pour développer et encourager de nouvelles manières de voir, susceptibles de faire reculer la photographie en tant que médium racialisé perpétuant une perspective blanche ou eurocentrée », écrit ainsi Mark Sealy, directeur de l’agence d’art photographique Autograph ABP (Londres) et auteur de Decolonizing the Camera : Photography in a Racial Time (Lawrence & Wishart, 2019).
C’est dans cette perspective qu’est née l’idée de proposer à une dizaine de photographes congolais de réaliser un reportage collaboratif baptisé « Congo in Conversation », devenu aujourd’hui une monographie. « La clé, pour moi, est la générosité, écrit Mark Sealy. Pour rompre avec les vieilles méthodes, il ne suffit pas d’aller quelque part et d’en retirer quelque chose. Ça, c’est la “méthode Léopold”. Mais si nous demandons sur place : “Comment vous aider à transmettre vos conditions d’existence au vaste monde ?”, c’est le début d’une conversation importante. »
Issue de la société française de gestion d’actifs Carmignac, la fondation du même nom, qui possède un très beau centre d’exposition sur l’île de Porquerolles (France), s’est donc engagée par l’intermédiaire de son prix à « briser les chaînes de ces boulets visuels qui pèsent sur la représentation des pays d’Afrique et les dévalorisent historiquement et culturellement ». Pour l’heure, ce sont donc deux livres, Congo in conversation et Congo, une lutte sublime qui s’attachent à montrer le quotidien des Congolais en croisant les regards de photographes locaux avec celui du photojournaliste Finbarr O’Reilly.
Les collines mouchetées d’or de l’Ituri
Le résultat n’est pas, tant s’en faut, une promenade touristique de tout repos. Milice meurtrière à Bunia (par Dieudonné Dirole), éruption du Nyiragongo (par Guerchom Ndebo et Finbarr O’Reilly), utilisation du masque protecteur par les sapeurs (par Raïssa Karama Rwizibuka) : si les images ne transpirent guère de bonheur, elles racontent le cru du réel, sans faux semblants. Lourde, pesante, omniprésente, l’histoire d’un pays convoité pour son ivoire, puis son caoutchouc, puis son insolente richesse minière imprime sa violence sur les corps des vivants.
« Depuis l’origine, la politique d’extraction des ressources naturelles congolaises par les grandes entreprises impériales a supplanté toute idée de démocratie et de droits humains, écrit encore Sealy. Le Congo devrait et pourrait être un rêve merveilleux de développement social, mais l’avenir même de son État est en jeu, pas seulement à cause des lignes de fractures politiques, locales ou régionales. La violence est alimentée par les sombres marchés du néolibéralisme : ils poursuivent des politiques extractives qui nous ramènent au temps de Léopold II. »
La série sur l’extraction de l’or, réalisée par O’Reilly, raconte avec respect et pudeur cette insistante réalité. « Kakakpa, dont le grand-père a travaillé pour Kilo-Moto, une compagnie minière belge, a passé les vingt dernières années à s’échiner dans les collines boueuses et mouchetées d’or de l’Ituri, écrit le photographe. Laissant comme les autres puissances coloniales du monde un héritage de dégradations de l’environnement, de maladies, d’instabilité économique et politiques, de rivalités ethniques et de violations des droits humains, la mainmise rapace de la Belgique sur le Congo a détruit le tissu social dans l’Ituri et continue à alimenter les conflits dans la région. » Mais dans Congo in conversation comme dans Congo, une lutte sublime, les femmes et les hommes photographiés, souvent nommés, sont bien vivants, ils se battent, ils espèrent, ils aiment. La photographie humaniste respire encore.
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Congo in conversation, collectif, Reliefs / Fondation Carmignac, 124 pages, 35 euros.
Congo, une lutte sublime, Finbarr O’Reilly, Reliefs / Fondation Carmignac, 128 pages, 35 euros.
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