Jihad sportif

Fawzia Zouria

Publié le 10 octobre 2013 Lecture : 2 minutes.

Après "l’affaire Baby loup", cette crèche d’une banlieue parisienne contrainte par la justice de réintégrer une employée licenciée parce qu’elle refusait d’ôter son voile, voici "l’affaire Orty Gym" du Raincy, toujours en banlieue parisienne. Elle oppose le maire UMP Éric Raoult à un couple de confession musulmane qui a ouvert, le 9 septembre dernier, une salle de sport exclusivement réservée aux femmes. A priori, le projet ne devrait pas choquer, certaines dames préférant clairement se muscler ou se détendre entre elles. On a vu des non-musulmanes formuler la même demande sans pour autant provoquer de scandale. Aux États-Unis, par exemple, des adeptes de la non-mixité revendiquent haut et fort des classes d’enseignement distinctes pour les hommes et pour les femmes.

Le problème avec Orty Gym, c’est que le maire affirme détenir un "faisceau de preuves" accréditant l’idée d’un "commerce sportif religieux" : les gérants et les clientes de cette salle afficheraient des signes religieux ostensibles, la façade du local aurait été rendue opaque pour soustraire les filles aux regards non autorisés, et un site aurait annoncé la fermeture des lieux à l’heure de la prière du vendredi. Si tel est réellement le cas, l’on peut très justement douter que de tels arrangements soient consentis pour le simple bonheur de ces dames. Il est donc légitime de se renseigner sur les motivations qui guident pareille initiative et sur son éventuel ancrage dans une quelconque idéologie radicale.

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La non-mixité est en effet l’une des exigences fondamentales de l’islam orthodoxe et l’un des points les plus litigieux entre laïques et intégristes. Elle est fermement prônée par une certaine doctrine "féministe" islamiste qui occulte le fait qu’une telle pratique prépare à l’exclusion des femmes de l’espace public. N’oublions pas que, à l’origine, le voile n’avait pas pour but de "couvrir" les femmes, mais de les séparer physiquement de la gent masculine. Donc, le mot "hijab" a d’abord désigné le rideau qui servait à cet effet. Des premières croyantes de l’islam aux militantes islamistes du Printemps arabe qui manifestent dans des cortèges à part, il s’agit de la même consigne. Y céder, c’est se plier à des exigences religieuses, c’est revenir sur cet acquis qu’est la mixité. C’est, surtout, ouvrir la porte à d’autres revendications d’espaces unisexes.

Les gérants du club du Raincy ont crié à l’islamophobie. Je ne veux pas préjuger de leurs intentions. Mais, de même qu’il faut se méfier des demandes de non-mixité, il faut déplorer cette attitude qui consiste, chez des particuliers ou des associations musulmanes, à crier au rejet de l’islam et à une offensive contre tous les musulmans dès lors qu’ils sont en porte-à-faux avec les règles républicaines. Cette attitude a le tort de faire croire que les musulmans sont une communauté unique et homogène. De les associer à une demande religieuse qu’ils ne formulent pas tous. De valider parfois et à leur insu le discours radical. Il y a des musulmans qui adorent la mixité et exècrent le niqab. Et ils sont une majorité. Une majorité qui se réclame à la fois laïque et musulmane sans que personne ne l’entende. Et c’est peut-être un procès en surdité qu’il faudrait intenter à la République.

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