Georges Conde (Filatex) : « La Zlecaf change la donne en termes de compétences et de développement »

Le directeur des investissements du groupe Filatex, explique comment la Zone de libre-échange continentale africaine modifie le monde des affaires sur le continent.

George Conde (Groupe Filatex) © DR

Publié le 4 juillet 2022 Lecture : 4 minutes.

Basées à Madagascar, les activités de Filatex sont axées sur l’énergie, les zones franches, l’immobilier et le capital-risque. Actrice du secteur des énergies renouvelables en Afrique, l’entreprise compte sur la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) pour soutenir ses ambitions continentales.

>> À lire sur The Africa Report : AfCFTA: ‘It has been a game changer’ – Groupe Filatex’s George Conde

The Africa Report : Votre façon de faire des affaires a-t-elle changé depuis le lancement de la Zlecaf ?

George Conde : Ça a vraiment changé la donne dans le sens où nous sommes passés d’une approche principalement axée sur le développement local à la recherche de partenariats stratégiques internationaux. Nous allons pouvoir accéder ainsi à de nouvelles compétences, travailler sur l’innovation et le développement de notre marché. Dans cette logique, nous envisageons de nous étendre en Afrique continentale.

Quel effet cet outil d’intégration continentale a-t-il sur votre entreprise ?

Un effet positif puisque malgré la crise mondiale déclenchée par la pandémie de Covid-19, nous avons constaté, à partir du deuxième trimestre de 2021, une augmentation de la demande de parcs industriels à Madagascar. Or tout effort visant à promouvoir la croissance économique et le développement par le biais du commerce et de l’industrialisation, augmente les émissions de CO2 et accroît simultanément la demande énergétique.

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Par conséquent, en tenant compte des impacts potentiels de la Zlecaf sur l’industrialisation et la transformation structurelle en Afrique, nous avons orienté toute notre production d’énergie vers les énergies renouvelables et la recherche de solutions innovantes qui peuvent avoir un impact direct sur les entreprises, et pas seulement sur le mix énergétique de chaque pays.

Dans quel sens souhaiteriez-vous voir évoluer la Zlecaf ?

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De quoi a-t-on besoin pour rendre le libre-échange plus efficace ? De stimuler le commerce intra-africain et l’intégration régionale qui deviendra la base de la transformation structurelle ; de réduire la pauvreté et d’investir dans le développement durable à long terme. La difficulté consiste à harmoniser des économies hétérogènes dans le cadre d’un seul et même accord. Ouvrir la porte à de grandes économies africaines comme le Nigeria ou l’Égypte pour qu’elles entrent dans le marché aux mêmes conditions que le Burkina Faso, le Mali ou même Madagascar, peut avoir un impact négatif pour les petits producteurs locaux, en particulier les agriculteurs familiaux.

Il leur sera très difficile de concurrencer les grandes entreprises agroalimentaires africaines, à moins que des politiques adéquates ne soient mises en place pour assurer la protection des PME, faire respecter les droits de l’homme, les pratiques de travail et les droits des travailleurs, valoriser les considérations de genre et l’inclusion, ainsi que les impacts environnementaux.

Vos projets d’investissements bénéficieront-ils du marché commun ?

Tous les projets que nous évaluons actuellement pour les développer en partenariat avec des entités étrangères sont étudiés pour répondre à une seule et même stratégie. Quel est le potentiel d’exportation sur le continent africain ? Quelles sont les barrières à l’entrée ? Quel partenaire peut y répondre le mieux ?

Quels facteurs de cet accord comptent le plus pour votre entreprise ?

La Zlecaf est étroitement liée avec les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, également conformes à nos propres efforts. Nous sommes particulièrement attentifs à l’objectif 9 qui concerne la construction d’infrastructures résilientes, la promotion d’une industrialisation inclusive et durable et l’encouragement de l’innovation.

Pensez-vous que Madagascar bénéficiera aussi de cette zone de libre-échange ?

Madagascar possède deux ingrédients clés qui l’aideront à en tirer profit : l’un des coûts de main-d’œuvre les plus bas au monde et l’âge de sa population dont 75 % a moins de 25 ans. Selon la Banque mondiale, l’industrie manufacturière ne représente qu’environ 10 % du PIB total en Afrique, en moyenne, ce qui est bien inférieur à toute région en développement. Je pense qu’un accord de libre-échange réussi peut contribuer à réduire cet écart en utilisant notre compétitivité sur le marché pour développer notre secteur manufacturier plus qualifié, ou spécialisé, qui génèrera davantage d’emplois bien rémunérés, en particulier pour les jeunes, réduisant ainsi la pauvreté à Madagascar.

Selon moi, il ne fait aucun doute que ce grand marché profitera à l’Afrique en termes de gains de bien-être, même si, malheureusement, ces gains ne seront pas distribués proportionnellement. Par conséquent, je le répète, il est obligatoire de faire pression pour que des politiques complémentaires soient mises en œuvre afin de soutenir les pays qui subiront des pertes économiques malgré cet accord.

Les producteurs africains ne risquent-ils pas d’être lésés par des homologues étrangers venus profiter de la Zlecaf ?

C’est une éventualité, comme pour tout autre accord de libre-échange. Néanmoins, celui-ci est très avantageux pour les producteurs locaux. À mon avis, les bénéfices l’emportent sur le risque. Avec la levée des restrictions, vous encouragez les investissements étrangers. Cette nouvelle entrée de capitaux permet aux industries locales – par le biais de partenariats avec des investisseurs étrangers – d’accéder à des compétences de base et de développer de nouvelles capacités afin de devenir rapidement compétitives sur de nouveaux marchés, tout en stimulant les économies nationales.

Bien s’informer, mieux décider

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