Cour pénale internationale : le front du refus africain en sommet à Addis-Abeba
Les États membres de l’Union africaine vont-ils se retirer en masse de la CPI ? Réponse lors du sommet extraordinaire convoqué à Addis-Abeba, les 11 et 12 octobre.
(Mis à jour le 11 octobre à 08h00)
Cette fois, l’alerte paraît sérieuse. L’Union africaine (UA) a convoqué, à partir d’aujourd’hui, vendredi 11 octobre, un sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement. Son objet : réexaminer ses relations avec la Cour pénale internationale (CPI). Les pays les plus remontés contre cette juridiction n’excluent plus de se retirer du statut de Rome.
Depuis longtemps la cour de La Haye est accusée de cibler exclusivement des Africains. Une tendance qui n’est pas près de s’inverser : les derniers mandats d’arrêt rendus publics, début octobre, visent Charles Blé Goudé, ex-chef des Jeunes patriotes et ancien ministre ivoirien, et Walter Basara, un journaliste kényan.
Dès 2009, l’UA avait pris la décision collective de ne tenir aucun compte du mandat émis à l’encontre du président soudanais Omar el-Béchir. Mais c’est surtout l’arrivée au pouvoir au Kenya, en avril dernier, d’Uhuru Kenyatta et de William Ruto (tous deux accusés de crimes contre l’humanité) qui a changé la donne. Le 5 septembre, le Parlement kényan a voté une résolution demandant le retrait du pays de la CPI – ce qui ne mettrait de toute façon pas fin à leur procès. Cette décision n’entrera toutefois en application que un an après sa ratification par le gouvernement. Or le président Kenyatta, qui ne souhaite pas donner l’impression de vouloir échapper à la justice, s’est abstenu de le faire pour l’instant.
>> Lire aussi : Kofi Annan : un retrait de la CPI serait une "honte" pour les pays africains
La CPI se livrerait à une "chasse raciale"
Attendait-il un soutien de ses pairs ? Une partie d’entre eux a en tout cas rapidement volé à son secours. Ainsi, en mai, Hailemariam Desalegn, Premier ministre éthiopien et président en exercice de l’UA, a accusé la Cour de se livrer à "une sorte de chasse raciale". Plusieurs chefs d’État ont profité de leur tribune à l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, fin septembre, pour faire part de leurs griefs. "Au lieu de promouvoir la justice et la paix, la CPI a sapé tous les efforts de réconciliation et n’a servi qu’à humilier les Africains", a ainsi déclaré le Rwandais Paul Kagamé.
Si l’Afrique de l’Est fait bloc derrière Kenyatta, la contestation gagne d’autres parties du continent, comme l’atteste l’organisation de ce sommet d’initiative kényane : le quorum des deux tiers des membres de l’UA nécessaire à sa convocation a été atteint.
"La CPI n’est pas dirigée contre les Africains, répète-t-on au bureau de Fatou Bensouda, la procureure. D’ailleurs, nous agissons souvent à la demande des États du continent. Comme, récemment, à l’instigation des Comores, dans l’affaire de la flottille de Gaza [opposant la Turquie à Israël]." De fait, on voit mal comment certains des 34 États ayant ratifié le statut de Rome, à l’image de la Côte d’Ivoire, du Mali ou de la RD Congo, pourraient s’en retirer après avoir coopéré avec la CPI pour juger des personnalités telles que Laurent Gbagbo.
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