L’optimisme est injustifié
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 17 octobre 2013 Lecture : 5 minutes.
Il y a sans aucun doute un effet Hassan Rohani. Il est immense et planétaire. Mais sera-t-il durable ?
Le nouveau président iranien a passé une semaine à New York (du 23 au 28 septembre). Son discours à l’ONU, prononcé le 24, ses interviews à la presse, son échange téléphonique le jour de son départ avec le président des États-Unis, Barack Obama, ont fait souffler un vent d’optimisme parmi ceux que préoccupe l’avenir à court terme du Moyen-Orient.
La personnalité avenante du nouveau président iranien, son regard pétillant et malicieux derrière des lunettes d’intellectuel, le sourire qui quitte rarement ses lèvres ont effacé, en peu de jours, le souvenir de l’atrabilaire Mahmoud Ahmadinejad et atténué l’écho de ses diatribes.
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Les commentateurs se sont mis à envisager l’hypothèse d’une détente : les nuages qui obscurcissaient le ciel du Moyen-Orient allaient se dissiper, le conflit syrien s’engager dans la voie d’une solution politique, éloignant ainsi les menaces de déstabilisation qu’il fait peser sur les pays voisins. La République islamique d’Iran et les six grandes puissances qui s’efforcent de l’empêcher d’accéder au nucléaire militaire allaient trouver, dans le premier semestre de 2014, l’accord qui permettrait de lever les sanctions contre Téhéran, de le sortir de l’isolement et de "l’axe du mal"…
Sous le titre "Les choses peuvent s’arranger au Moyen-Orient", le Financial Times du 1er octobre a écrit ceci :
"La nouvelle donne politique en Iran incite à l’optimisme. L’entretien téléphonique entre Hassan Rohani et Barack Obama, bien que bref, est historique : c’est la première fois depuis la révolution iranienne de 1979 qu’un contact de ce niveau est établi entre les deux nations.
Obama cherche à éviter tout nouveau conflit au Moyen-Orient. Un accord avec l’Iran serait un succès pour la politique extérieure du président américain et le renforcerait sur le plan intérieur.
Les dirigeants iraniens sont pressés de trouver un dénouement à cette crise : leur économie est épuisée par les sanctions, et le soutien au régime de Bachar al-Assad est pour eux un boulet (la Syrie est le "Vietnam de l’Iran", a dit un Américain).
Outre qu’il éloignerait le spectre d’un conflit armé entre les deux pays, un accord sur le nucléaire iranien pourrait faire émerger une approche commune du dossier syrien.
Certes, le régime et les rebelles ont encore l’espoir de remporter la guerre civile et de régner sur une Syrie unie, et il est tentant, pour la Russie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les États-Unis, de soutenir leurs protégés jusqu’au bout.
Mais tous redoutent aujourd’hui la perspective d’une Syrie fragmentée et anarchique, qui serait un véritable havre pour Al-Qaïda…"
J’aimerais m’associer à cet optimisme. Mais le discours prononcé à cette même tribune de l’ONU, le 1er octobre, par Benyamin Netanyahou, qu’il faut avoir lu ou écouté, ne le permet pas. La position israélienne, qu’il a rappelée avec force et dont il prévient que son pays l’appliquera quoi que fassent les États-Unis et l’Europe, ne laisse place à aucune illusion : dès lors, l’optimisme est injustifié.
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Le Premier ministre israélien nous a solennellement dit qu’il veut, lui, un changement de régime en Iran et le désarmement de ce pays.
>> Lire aussi : Iran, négociations nucléaires
Ci-dessous, l’essentiel du réquisitoire Netanyahou :
"S’agissant du programme nucléaire iranien, la seule différence entre Ahmadinejad et Rohani est la suivante : Ahmadinejad était un loup déguisé en loup. Rohani est un loup déguisé en mouton.
L’Iran n’élabore pas un programme nucléaire pacifique, mais un programme militaire. Pas plus tard que l’an dernier, l’Iran a enrichi trois tonnes d’uranium à 3,5 %, a doublé le stock d’uranium enrichi à 20 % et s’est doté de plusieurs milliers de centrifugeuses supplémentaires, dont des centrifugeuses de nouvelle génération. L’Iran a poursuivi ses travaux sur le réacteur à eau lourde d’Arak pour se ménager un autre accès à la bombe, via l’utilisation du plutonium. Et depuis l’élection de Rohani – j’insiste sur ce point -, ce vaste effort s’est poursuivi sans relâche.
L’Iran fait attention de ne pas franchir la ligne rouge mais se positionne pour la traverser au moment de son choix. Il veut fabriquer des bombes nucléaires avant que la communauté internationale ne s’en aperçoive et, a fortiori, ne l’en empêche.
Rohani a lancé une offensive de charme pour obtenir la levée des sanctions tout en poursuivant son programme nucléaire. Sa stratégie pour atteindre cet objectif ? Premièrement, sourire beaucoup. Deuxièmement, du bout des lèvres, parler de paix, de démocratie et de tolérance. Troisièmement, faire des concessions insignifiantes. Quatrièmement, et c’est essentiel : s’assurer que l’Iran conserve suffisamment de matières et d’infrastructures nucléaires afin de reprendre la course à la bombe au moment où il voudra.
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Le siècle dernier nous a appris que, lorsqu’un régime radical nourrissant des ambitions internationales se dote d’une puissance militaire impressionnante, tôt ou tard son appétit pour l’agression ne connaît aucune limite.
La seule solution diplomatique envisageable est celle qui conduirait au démantèlement total du programme d’armement nucléaire de l’Iran.
Ce que Téhéran doit faire ? D’abord, cesser tout enrichissement d’uranium. Ensuite, retirer de son territoire les stocks d’uranium enrichi. Troisièmement, démanteler les infrastructures rendant possible une évasion nucléaire, y compris l’installation souterraine de Qom et les centrifugeuses sophistiquées de Natanz. Enfin, arrêter tous les travaux sur le réacteur à eau lourde d’Arak qui vise à la production de plutonium.
Ces mesures permettraient de mettre un terme au programme d’armement nucléaire de l’Iran et d’éliminer sa capacité de nuisance en ce domaine.
Israël ne permettra pas à l’Iran de se doter de telles armes. Si Israël est obligé d’agir seul, il agira seul. Pourtant, Israël sait qu’il défendra ce faisant beaucoup, beaucoup d’autres."
>> Lire aussi : Israël : Benyamin Netanyahou s’en prend au nouveau président iranien
Benyamin Netanyahou a consacré 90 % de son discours de trente minutes à l’Iran, érigé, sans distinction ni nuance, au rang d’"ennemi du peuple juif" comme naguère l’Allemagne nazie.
Pour lui, le nouveau président iranien n’a pas de prénom et il ne le désigne qu’en l’appelant Rohani, sans jamais lui donner du "monsieur".
Il ne cache d’ailleurs pas qu’il regrette Ahmadinejad, plus facile à stigmatiser.
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Ceux qui ont rencontré le Premier ministre israélien affirment que sa "fixation" sur l’Iran ne fait que s’aggraver : "Il faut empêcher ce pays d’émerger et d’être considéré comme fréquentable ; c’est à double tour qu’il convient de l’enfermer dans "l’axe du mal"", répète-t-il sans arrêt de manière obsessionnelle.
Et savez-vous qui est le plus proche allié de Netanyahou dans cette entreprise ? Aussi étonnant que cela paraisse : l’Arabie saoudite. Le chef des services de renseignements de ce pays arabe, sunnite et réactionnaire, le "prince" Bandar Ibn Soltane, s’efforce, à plein temps et avec des fonds illimités, d’aider Israël à "casser l’Iran"…
Il est donc à craindre que 2014 ne soit pas l’année où, grâce au changement intervenu en Iran, le Moyen-Orient prendra le chemin de l’apaisement.
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