Aitv au bord du gouffre
France Télévisions ferme sa banque d’images spécialisée dans l’actualité africaine. De quoi inquiéter les chaînes du continent.
Après l’annonce de la fermeture de son Agence internationale d’images de télévision (AITV), spécialisée dans le suivi de l’actualité africaine, France Télévisions fait face à un mouvement social mené par la trentaine de salariés basés à Paris et appuyé par les syndicats SNJ et CFDT. Une pétition circule. Parmi ses signataires : Youssou Ndour et Alpha Blondy.
Nathalie Sarfati, grand reporter à l’AITV, est déterminée à ne pas laisser France Télévisions fermer l’agence. "Plus de 70 chaînes africaines publiques et privées reprennent nos sujets", déclare-t-elle, agacée que l’on remette en question l’utilité de l’AITV. Le 12 septembre, Thierry Thuillier, directeur de l’information de France Télévisions, avait en effet annoncé aux salariés de Malakoff son intention de fermer l’agence pour des raisons budgétaires – le groupe avance le chiffre contesté par les syndicats de 3 millions d’euros de financement pour l’AITV -, mais aussi parce qu’elle ne correspondait plus vraiment à la "mission" de l’audiovisuel public français. Un point de vue avancé par Étienne Fiatte, directeur général de Canal France International (CFI) – qui finance l’AITV à hauteur de 1,8 million d’euros par an -, qui estime qu’il faut donner aux Africains plus d’autonomie en termes de production et de diffusion de l’information.
Passer le relais à une agence africaine
Par ailleurs, le but de CFI est également de faire payer les programmes aux chaînes africaines, qui jusqu’alors profitaient gratuitement des images de l’AITV. Une solution qui semble effrayer ces dernières, si l’on en croit Bertille Kessou, adjointe du rédacteur en chef de l’ORTB au Bénin : "Il faut être conscient des réalités du continent, nous n’avons pas les moyens d’acheter des programmes." Pour Étienne Fiatte, les télévisions du continent ont surtout besoin de sujets panafricains faits par les Africains eux-mêmes. Pourtant, M. Yovodevi, directeur de TV Togo, ne l’entend pas de cette oreille : "Tout ce qui concerne l’actualité nationale dans notre journal télévisé provient de l’AITV. Idem pour l’actualité des autres pays africains ; nous n’avons pas les moyens d’envoyer des correspondants partout." L’AITV dispose d’un réseau de trente correspondants qui envoient des images brutes à l’agence afin que celles-ci soient montées et alimentent les journaux du continent ainsi que les chaînes françaises TV5, France 24 et France Ô.
Craignant un conflit social important, France Télévisions souhaiterait proposer un plan de départ aux 30 salariés de l’AITV, mais cherche aussi un repreneur. Le groupe et CFI sont en discussion avec l’AFP et Afrik.tv. "C’est de l’intox, assure Nathalie Sarfati. Si l’AFP veut se développer en Afrique, elle n’a pas besoin de nous."
Pourtant, Olivier Lombardie, directeur commercial et marketing de l’AFP, assure que l’agence devrait créer des postes si elle reprenait la mission de l’AITV. Olivier Zegna-Rata, directeur général d’Afrik .tv, se dit quant à lui intéressé par une éventuelle reprise du réseau de correspondants de l’AITV. "Il est temps de passer le relais à une agence africaine ; cela va dans la logique du développement du continent", explique-t-il. S’il n’est pas question pour Afrik.tv d’accueillir l’équipe de l’AITV, "il serait tout à fait envisageable de délocaliser l’équipe de France Télévisions à Dakar, où se trouvent déjà plusieurs journalistes d’Afrik.tv"
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