Égypte : Constituante bis

Chargé de réviser la loi fondamentale élaborée en 2012 par les Frères musulmans, le comité des cinquante devrait achever ses travaux d’ici à fin novembre.

Session inaugurale du comité des cinquante, le 8 septembre, au Sénat. © Rex/Apaimages/rex/sipa

Session inaugurale du comité des cinquante, le 8 septembre, au Sénat. © Rex/Apaimages/rex/sipa

Publié le 11 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Conformément à la feuille de route adoptée en juillet par les autorités provisoires égyptiennes, une Constituante révise actuellement la loi fondamentale adoptée en 2012 par les anciens dirigeants islamistes. L’avenir politique du pays est aujourd’hui entre les mains de cinquante figures publiques, dirigeants syndicaux, représentants de partis politiques et d’institutions religieuses. Assistés par un comité de dix experts juridiques qui a déjà amendé le texte une première fois, les constituants devront avoir terminé leur mission avant fin novembre. Pour ne pas réitérer l’erreur des Frères musulmans et de leurs alliés salafistes, qui avaient ignoré la minorité non islamiste, le comité des cinquante essaie d’atteindre le consensus, optant le cas échéant pour un vote à la majorité des trois quarts.

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Tirant les leçons de plusieurs décennies de dictature, la Constituante semble pencher en faveur d’un régime politique mixte, assurant l’équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif afin de prévenir l’apparition d’un président autoritaire ou d’un parti unique tout-puissant. Le Parlement sera en droit de réclamer un référendum à la majorité des deux tiers pour obtenir la destitution du chef de l’État, prenant cependant le risque d’être dissous si le résultat du référendum était négatif. De même, le président pourra organiser un référendum sur la dissolution de l’Assemblée, mais il devra démissionner si le non l’emporte.

Une nouvelle Constituante anti-islamisme

En 2012, la loi fondamentale avait été contestée pour sa coloration ultrareligieuse. Aujourd’hui, la donne a changé. Sans être à proprement parler laïque, la nouvelle Constituante est résolument anti-islamiste. "Le courant islamiste n’a plus aucun poids, ni les Frères ni les salafistes ne sont populaires", se justifie Heba Yassine, la porte-parole des nassériens du Courant populaire. Dans ce contexte, la formation salafiste Al-Nour, seul parti islamiste à disposer d’un représentant au sein de l’Assemblée, est tentée de vouloir sauver les "acquis" de la Constitution de 2012. "Le peuple égyptien a toujours respecté la charia. Nous ne pouvons pas accepter qu’un courant particulier vienne imposer à la société son interprétation de la religion", rétorque Chehab Waguih, porte-parole du Parti des Égyptiens libres. De son côté, le secrétaire général d’Al-Nour, Galal Mora, explique que l’unique objectif de son groupe est de s’assurer que la Constitution finale soit acceptée par toutes les franges de la société.

Le climat est-il propice à la rédaction d’une constitution ?

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Autre question délicate sur laquelle doit se pencher la Constituante : la place de l’armée dans la vie publique. "Au sein de la classe politique, il y a un consensus pour que les civils contrôlent l’armée, estime Nathan J. Brown, spécialiste de l’Égypte et professeur de sciences politiques à l’université George-Washington, aux États-Unis. Mais ce consensus n’existe qu’au sein de la classe politique, le pays dans son ensemble soutient les militaires." Et de préciser que la manière dont ce volet sera traité par la Constituante sera révélatrice de son degré d’indépendance.

Plusieurs dispositions de la Constitution de 2012 continuent de faire débat, comme le jugement de civils par des tribunaux militaires ou le secret qui entoure le budget des forces armées, dont le détail ne peut être révisé par les autorités civiles. "L’argument de la sécurité nationale ne doit pas servir de prétexte pour empêcher les services de contrôle financier de l’État de revoir en détail le budget de l’armée, comme cela se fait pour les autres institutions étatiques", estime Raafat Fouda, professeur de droit constitutionnel à l’université du Caire, à Gizeh.

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Alors que les autorités intérimaires continuent de réprimer les Frères musulmans, interdits d’activités par la justice le 23 septembre, et que les manifestations islamistes dégénèrent régulièrement en affrontements avec les forces de sécurité, certains se demandent si le climat actuel est propice à la rédaction d’une constitution. Selon Nathan J. Brown, "le risque, c’est que l’on soit tenté d’élaborer une constitution censée gouverner l’Égypte pour plusieurs générations sur la base de leçons tirées des événements de ces deux derniers mois".

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