Rama Yade ou « Dallas » à l’Élysée
L’ancienne secrétaire d’État, Rama Yade, publie ses « Mémoires ». Bienvenue en Sarkozie, un univers impitoyable où se côtoient quelques brutes et beaucoup de courtisans.
Aujourd’hui encartée au côté de son nouveau patron, le centriste Jean-Louis Borloo, avec un oeil sur les municipales à Paris, Rama Yade, 36 ans, sacrifie à cette manie qu’ont les politiques de publier leurs Mémoires (courtes) en feignant de croire qu’ils nous offrent là, et presque à contrecoeur, un témoignage historique. N’est pas Mme de Sévigné qui veut, et ces Carnets du pouvoir de l’ancienne secrétaire d’État de Nicolas Sarkozy, puisés dans le journal de bord quotidien qu’elle a tenu entre février 2006 et mai 2012, valent avant tout par les anecdotes souvent très personnelles qu’y relate celle qui fut l’une des stars les plus médiatisées de la galaxie Sarko.
Sous le candide couvert de notes écrites sur le vif, mais qu’elle a tout de même conservées, puis exhumées "par hasard" au cours d’un "nettoyage de printemps" avant de les relire scrupuleusement, Rama Yade balance allègrement sur ses collègues d’une sarkozie à mi-chemin entre Dallas, Châteauvallon et Desperate Housewives. Rachida Dati en courtisane zélée et jalouse, prête à tout pour plaire au président, Bernard Kouchner en parano bavard, Nadine Morano "Castafiore, la bave aux lèvres", Roselyne Bachelot "comme un nuage noir, menaçante jusque dans ses silences, au-dessus de ma tête", Claude Guéant en exécuteur onctueux des basses oeuvres, Jean-David Levitte en invertébré policé, Brice Hortefeux et ses blagues douteuses, toujours limite, Alain Juppé glacial et méprisant, Nathalie Kosciusko-Morizet et Jeannette Bougrab qui l’ignorent dès lors que Sarko lui bat froid…
On ressort inquiet de cette explication de gravure au sein de laquelle Rama Yade apparaît – mais c’est la règle du genre – comme la victime expiatoire et innocente des traîtrises, des manigances et des petits complots de ses collègues. Inquiet pour elle surtout : qu’était-elle allée faire dans cette galère ?
Une fascination de midinette pour Sarkozy
La réponse est simple : l’ambition et l’admiration. Rama Yade ne nous cache rien de son désir quasi obsessionnel de devenir secrétaire d’État puis de conserver sa place au Conseil des ministres. Et rien de la fascination de midinette que lui inspire Nicolas Sarkozy, même si ce dernier la traite souvent comme une gamine et a la fâcheuse tendance à l’exhiber comme un trophée devant ses interlocuteurs. "Sa tendresse infinie me touche", écrit-elle, comme la touche Carla Bruni-Sarkozy, qui, un jour de mars 2009, lui parle de Cécilia ex-Sarkozy en ces termes : "Je n’ai jamais vu une femme aussi illettrée."
De l’Afrique, où Ramatoulaye est née, il est assez peu question dans le livre, si ce n’est pour relater les quelques voyages que la secrétaire d’État a effectués sur le continent. On y croise Nelson Mandela, qui s’obstine à la prendre pour une Sud-Africaine et qu’elle décrit avec beaucoup d’émotion, Joseph Kabila ("tout petit, avec une voix de jeune homme"), Bouteflika, qui lui parle de Senghor, Sassou Nguesso, qu’elle refuse de rencontrer, ce qui lui vaut un savon de la part de Guéant, Kadhafi, qui la piège en lui levant le bras devant les photographes et, bien sûr, le trop fameux discours de Dakar rédigé dans l’avion par Henri Guaino et que Sarkozy n’avait pas lu avant de le prononcer. À propos de la célèbre phrase "l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire", Rama Yade a ce commentaire : "Tout le sens de mon engagement politique est de prouver l’inverse !" Oui, décidément : qu’était-elle allée faire dans cette galère ?
>> Lire aussi : "Carnets du pouvoir" de Rama Yade : morceaux choisis
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