Burkina Faso : « Le retour de Blaise Compaoré est une forfaiture et un déni de justice »

Alors que l’ancien président participe ce 8 juillet à une rencontre entre les anciens chefs de l’État burkinabè et Paul-Henri Sandaogo Damiba, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, avocat de la partie civile dans le procès de l’assassinat de Thomas Sankara, dénonce un contournement de la légalité. Il se confie à Jeune Afrique.

À l’aéroport de Ouagadougou, le 7 juillet 2022, dans l’attente du retour de Blaise Compaoré après huit ans d’exil. © OLYMPIA DE MAISMONT/AFP

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Publié le 8 juillet 2022 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : En tant qu’avocat de la famille Sankara, comment réagissez-vous au retour de Blaise Compaoré, condamné à la prison à perpétuité pour son rôle dans l’assassinat de l’ancien président burkinabè ?

Mé Bénéwendé Stanislas Sankara : Nous, avocats des parties civiles et des treize familles et ayants droit de Thomas Sankara, attendons que le droit soit appliqué dans toute sa rigueur contre Blaise Compaoré. Une décision, rendue le 6 avril dernier, le condamne à la prison à vie et le jugement du tribunal militaire a réitéré le mandat d’arrêt international lancé contre lui.

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En tant qu’homme de loi, je demande que ce mandat soit purement et simplement exécuté. Force doit rester à la loi. Blaise Compaoré s’est dérobé à la justice de ce qui est désormais son ancien pays, puisqu’il a obtenu la nationalité ivoirienne. Et comme il est revenu au Burkina, il doit, conformément aux dispositions légales, être arrêté et déféré devant la justice militaire.

Mais il n’a pas été arrêté à son arrivée…

C’est parce que le politique et le militaire ont pris le dessus sur la légalité. On appelle cela un coup de force. Pour moi, c’est même une forfaiture et un déni de justice. Lorsqu’il a prêté serment après son coup d’État du 24 janvier, le président Damiba a promis de faire respecter la loi et rétabli la Constitution. En ne faisant pas arrêter Blaise Compaoré, il se rend coupable de parjure.

La junte affirme que c’est un acte de réconciliation. Vous n’êtes pas d’accord ?

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Pas du tout. L’annonce de l’arrivée de Blaise Compaoré a d’ailleurs profondément divisé les Burkinabè et exacerbé les clivages au sein de la population. Ce n’est certainement pas le meilleur alibi.

Que réclamez-vous dans ces conditions ?

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Que justice soit faite. Personne n’est contre la réconciliation, mais elle doit obéir aux principes de vérité et de justice. Blaise Compaoré lui-même avait dit vouloir œuvrer pour la réconciliation en instaurant, en mars 2001, une journée nationale du pardon. Mais ce fut un fiasco. La réconciliation n’est pas une camisole de force.

Que peut apporter la rencontre des anciens chefs d’État que sont Blaise Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré, Michel Kafando et Jean-Baptiste Ouédraogo avec le président Paul-Henri Sandaogo Damiba ?

Ils peuvent se réunir autant de fois qu’ils le veulent, cela n’aura pas de résultat. Je n’y vois rien si ce n’est un coup de communication pour la junte. Ce sont les populations qui ont besoin de se réconcilier, c’est avec elles qu’il faut aborder ces questions. La réconciliation n’est pas une affaire que l’on n’évoque qu’au sommet.

Quel regard portez-vous sur la gestion de la transition par les militaires ?

En prenant le pouvoir, fin janvier, ils ont tenu un discours musclé et affirmé qu’ils étaient là pour rétablir l’intégrité territoriale, refonder l’État et consolider les acquis démocratiques. Mais on n’a rien eu de tout ça. J’y vois une vaste trahison militaro-politique.

Quant au bilan de ces six derniers mois, il faut savoir qu’un récent sondage attribue la note de 4 sur 20 au président Damiba. C’est un grave recul. Au plan sécuritaire, les attaques sont quotidiennes. Nous avons l’impression que les grandes villes sont prises en étau, que les routes sont coupées. La psychose a gagné tous les Burkinabè. Mais ce qui intéresse le pouvoir, c’est de faire revenir Blaise Compaoré.

Les détracteurs du président Kaboré font valoir qu’il ne parvenait pas davantage à contenir les violences jihadistes…

Oui, mais la lutte contre l’insécurité relevait de l’armée, qui a eu tous les moyens. Nous avions voté la loi de programmation militaire, dotée d’une enveloppe de 750 milliards de F CFA. L’armée avait même du mal à consommer ses crédits budgétaires. Je pense qu’elle n’a pas joué franc jeu et que Roch Marc Christian Kaboré a été trahi.

La junte a-t-elle commis une erreur en mettant de côté la classe politique ?

C’est plus qu’une erreur. La classe politique est par essence la sève nourricière de la démocratie.

L’ex-majorité présidentielle, dont vous êtes membre, a rencontré le président Kaboré, qui est désormais libre. Comment l’avez-vous trouvé ?

C’est un homme qui est resté serein. Il regrette la solitude que lui a imposé son emprisonnement ces derniers mois, mais il était heureux de nous voir et nous a remerciés de nous être battus pour sa liberté.

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