Kim Jong-un : secrets d’alcôve à Pyongyang
L’ex-petite amie de Kim Jong-un a-t-elle été exécutée ? Ou n’est-ce qu’un coup d’intox de la presse sud-coréenne manipulée par les évangéliques ?
Une ex-petite amie du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un aurait été exécutée, le 17 août, avec une douzaine de musiciens de l’orchestre Unhasu. Info ou intox ? Quoi qu’il en soit, la rumeur a fait le tour du monde, se parant chaque fois de détails plus sordides. Les familles auraient été forcées d’assister à l’exécution, de même que tous les autres membres de l’orchestre, avant d’être envoyés en camp de travail… Et tout cela pour des bibles trouvées en possession des artistes et une vidéo X.
La vidéo en question a été diffusée ultérieurement sur internet. Et elle n’a rien de pornographique. Elle montre Hyon Song-wol, le premier amour de Kim Jong-un (avant donc son épouse actuelle), dansant une sorte de french cancan local. Un numéro comme on en voit dans tous les théâtres de Pyongyang… C’est le quotidien sud-coréen Chosun Ilbo qui, le 20 août, a révélé l’information, aussitôt démentie, dans un tweet, par Alejandro Cao de Benos, délégué de la Corée du Nord en Europe : « Personne n’a été exécuté. Méfiez-vous des sources et venez assister à un concert de l’orchestre fusillé à Pyongyang ! » Langue de bois ? Pas si sûr.
Les journalistes des grands journaux de Corée du Sud sont soumis à une pression permanente. Il leur faut constamment fournir des informations sur le Nord, ce qui les conduit à ne pas toujours croiser leurs sources. C’est d’autant plus tentant que « personne n’est véritablement en mesure de vérifier nos dires », admet un journaliste du Chosun Ilbo. Dans un pays aussi fermé que la Corée du Nord, obtenir de l’information est complexe. Les journalistes passent donc par des informateurs installés en Chine, qu’il s’agisse de commerçants nord-coréens faisant la navette entre leur pays et la préfecture chinoise autonome de Yanbian (majoritairement peuplée de Coréens) ou de transfuges cachés dans la campagne de Mandchourie en attendant de réussir à gagner Séoul. Il est également possible de téléphoner en Corée du Nord, en partie couverte par le réseau mobile chinois.
Des organisations humanitaires religieuses sans scrupules
Tous ces réseaux d’informateurs ont pu être mis en place grâce aux multiples organisations humanitaires religieuses qui aident les fuyards nord-coréens à gagner le Sud. La plupart sont sérieuses, mais certaines usent de méthodes plus que douteuses. Elles n’hésitent pas à troquer une aide à l’exil contre une conversion au christianisme, un témoignage choc ou une vidéo clandestine, parfois truquée, afin d’attirer l’attention des médias sur les problèmes de malnutrition ou, comme c’est peut-être le cas pour l’affaire de l’orchestre Unhasu, sur le sort des chrétiens. Il arrive que le troc tourne au sordide. Certains évangéliques prosélytes n’hésitent pas à conditionner leur appui à la réalisation d’une « mission » en Corée du Nord : « Je fais venir votre famille dans le Sud et, en échange, vous apportez la bonne parole dans votre village. » Quitte à faire de ces messagers des martyrs, puisque la simple possession d’une Bible est, dans le pays de Kim Jong-un, considérée comme un crime.
Qu’en est-il alors de cette prétendue exécution ? Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on, mais en l’occurrence les meilleurs spécialistes, comme Andreï Lankov, à Séoul, se montrent sceptiques. Car ce ne serait pas la première fois que des journalistes sud-coréens exagéreraient une information ! « Dans le passé, souligne Nicolas Levi, chercheur au Centre Pologne-Asie, à Varsovie, ils ont déjà destitué ou même exécuté plusieurs responsables politiques comme Pak Nam-gi, Kim Jong-gak ou Kim Jong-chun ». Or « tous sont bien vivants et continuent d’occuper des postes de premier plan à Pyongyang » !
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