Pakistan : Malala, l’ado qui mène la vie dure aux talibans
En 2012, les fondamentalistes musulmans l’avaient laissée pour morte. Réfugiée au Royaume-Uni, Malala Yousafzai, 16 ans, a entrepris un combat planétaire pour l’éducation des jeunes filles.
"Quand je l’ai vue pour la première fois, c’était un nouveau-né ; et j’ai été submergé d’amour." Ainsi s’exprime Ziauddin Yousafzai à propos de Malala, sa fille, dans Class Dismissed, un documentaire du New York Times (2009) retraçant le courageux combat de ce Pakistanais de la vallée de Swat pour que son école reste ouverte après que les talibans eurent décrété que les filles ne devaient plus avoir accès à l’éducation.
Dans ce film, Malala, alors âgée de 11 ans, arbore un cartable Harry Potter et raconte qu’elle rêve de devenir médecin. Aujourd’hui âgée de 16 ans, elle fait campagne dans le monde entier en faveur de la scolarisation des filles. C’est une vedette. Et une miraculée. Le 9 octobre 2012, en effet, des talibans sont montés dans son bus scolaire et lui ont tiré plusieurs balles dans la tête. Opérée, elle a été évacuée vers le Royaume-Uni et hospitalisée d’urgence à Birmingham – où on lui a implanté une plaque de titane dans le crâne. Rétablie, elle a repris son action militante et, en juillet dernier, a prononcé un discours aux Nations unies devant un parterre de personnalités et d’enfants venus du monde entier. "Depuis l’attaque dont j’ai été victime, leur a-t-elle dit, rien n’a changé dans ma vie, sauf que la peur et le désespoir m’ont quittée."
"Les crayons et les livres sont les armes qui vaincront le terrorisme"
Malala vit désormais avec sa famille à Birmingham, où elle a inauguré la plus grande bibliothèque publique d’Europe. "Les crayons et les livres sont les armes qui vaincront le terrorisme, a-t-elle expliqué à cette occasion. Le seul moyen de parvenir à la paix passe par l’éducation de nos cerveaux, mais aussi de nos coeurs et de nos âmes." Elle vient de recevoir à La Haye (Pays-Bas) le Prix international de la paix pour les enfants. Et elle est apparemment en lice pour le Nobel. Que le discours d’une gamine puisse être aussi efficace paraît à peine croyable. "Nous sommes sur le point de perdre Nelson Mandela et voilà que Malala surgit sur la scène mondiale. Elle n’est pas une marionnette, c’est une femme au discours structuré", s’enflamme Jude Kelly, directrice artistique du Southbank Centre de Londres, où la jeune fille doit prononcer un discours en octobre.
Sa détermination et son courage sont évidents. Mais elle n’aurait pu accéder à l’éducation – et devenir militante – sans le soutien de son père. Et de sa mère, qui, elle, reste dans l’ombre. "J’ai beaucoup admiré la manière dont Yousafzai, cet homme venu d’un petit village, était devenu un leader. Quant à Malala, elle était comme la plupart des Pakistanaises : pleine de déférence à l’égard de son père. Elle ne parlait quasiment que lorsqu’on lui adressait la parole", raconte Adam Ellick, le réalisateur de Class Dismissed. Reste qu’en secret l’adolescente affûtait son discours…
Le quotidien d’une fillette sous la férule talibane
Début 2009, elle entreprend, sous un pseudonyme, d’écrire pour le service en ourdou de la BBC le récit de la vie d’une fillette sous la férule talibane. Trois ans plus tard, alors qu’elle est encore à l’hôpital, elle crée la Fondation Malala, que dirige depuis les États-Unis Shiza Shahid, une militante qu’elle connaît depuis des années. Les premières subventions distribuées par la fondation ont permis de scolariser 40 fillettes de Swat, révèle l’actrice Angelina Jolie. À en croire l’Unesco, 57 millions de jeunes enfants de par le monde (dont 31 millions de fillettes) n’ont pas accès à l’école.
Pour la jeune Pakistanaise, la prochaine étape sur le chemin de la célébrité sera, en octobre, la parution de son autobiographie, I Am Malala. Elle accordera alors ses premières grandes interviews télévisées. Aucun adolescent, à l’exception, peut-être, de Justin Bieber, n’atteint une telle audience mondiale. Pourtant, elle reste apparemment imperturbable : "C’est une fille très intelligente, modeste, qui a les pieds sur terre, commente Shiza Shahid. Elle reste la Malala que nous avons connue, la vraie Malala."
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Par Isabel Berwick
© Jeune Afrique et Financial Times
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