Israël : les leçons du conflit syrien

L’option diplomatique retenue par Obama face au régime alaouite est loin d’avoir rassuré Tel-Aviv. Qui craint que Washington ne joue dans la foulée la carte de l’apaisement avec Téhéran.

Une opération de l’armée israélienne près de la bande de Gaza. © AFP

Une opération de l’armée israélienne près de la bande de Gaza. © AFP

perez

Publié le 26 septembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Vu d’Israël, la gestion de la crise syrienne par la communauté internationale ces dernières semaines a été riche d’enseignements. In fine, le compromis russo-américain sur le démantèlement de l’arsenal chimique du régime d’Assad ne suscite aucune euphorie. En témoignent les réactions pour le moins circonspectes des dirigeants israéliens. "Comme tout accord, il devra être jugé sur ses résultats, estime, laconique, Yuval Steinitz, ministre des Affaires stratégiques. Nous espérons que ce sera un succès."

L’État hébreu peut pourtant se réjouir à plus d’un titre. Sans être intervenu sur le plan militaire ou diplomatique, il se voit – théoriquement – débarrassé de l’unique menace non conventionnelle qui plane à ses frontières. Et pour cause, le programme chimique syrien, en passe d’être mis hors d’état de nuire, avait été lancé par Hafez al-Assad après la guerre du Kippour, en 1973, dans le but d’atteindre une parité stratégique avec Israël, détenteur de l’arme atomique. Quarante ans plus tard, l’ennemi juré de Damas n’est toujours pas sommé de désarmer à son tour et conserve sa pleine puissance nucléaire au Moyen-Orient.

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Les troupes d’Assad affaiblies

Cet acquis crucial – dont certaines sources indiquent qu’il a été défendu en coulisses par les États-Unis – explique en partie le profil bas adopté par les autorités israéliennes. Après le massacre de la Ghouta au gaz sarin, le 21 août, aucune voix ou presque ne s’était ouvertement exprimée en faveur de frappes punitives contre le régime syrien. Seule Tzipi Livni, ministre de la Justice, avait brisé le silence radio. "L’ONU, dont la devise depuis le premier jour est "plus jamais ça" doit intervenir. Il ne suffit pas de faire des discours, il faut également lutter pour ses valeurs avec des actions. Les événements en Syrie doivent être arrêtés pendant qu’ils se déroulent encore à petite échelle", s’était-elle indignée.

Pour Israël, le spectre d’une déflagration régionale s’est temporairement éloigné. La perspective d’une opération alliée contre Bachar al-Assad avait poussé l’échelon politique et militaire à entamer, début septembre, une série de préparatifs. Rappel partiel de réservistes, distribution hâtive de masques à gaz à la population et déploiement de batteries antiaériennes dans tout le pays pour parer à une attaque de missiles Scud ou à une éventuelle riposte du Hezbollah libanais. L’atmosphère générale n’était pas sans rappeler les premières heures de la guerre du Golfe, en 1991.

"J’ai du mal à croire que l’intervention apportera une bien meilleure situation", déclare Uzi Arad, ancien directeur du Conseil de sécurité nationale. Sur le fond, l’estimation des renseignements militaires israéliens (Aman) reste inchangée depuis des mois : incapable de prendre le dessus sur les rebelles, éreintées par deux années et demie de guerre civile, les troupes d’Assad n’ont pas les moyens d’ouvrir un nouveau front contre l’État hébreu. Pour preuve, aucune des récentes frappes attribuées à l’aviation israélienne à Damas ou à Lattaquié n’a engendré de représailles, même symboliques, du régime alaouite. Jusqu’ici, les obus tirés sporadiquement sur le plateau du Golan – annexé par l’État hébreu en 1981 – et les blessés syriens évacués vers les hôpitaux israéliens restent les seuls signes de débordement du conflit.

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"Ce qui est vrai pour la Syrie l’est aussi pour l’Iran"

Mais c’est parce qu’il s’en tient à un rôle d’observateur – y compris dans le Sinaï égyptien – qu’Israël n’a guère été rassuré par les "hésitations" de la communauté internationale en Syrie, sans parler de l’étonnante volte-face opérée par son allié américain. Car pour ses responsables, la conduite du monde à l’égard d’Assad déterminera celle, à venir, vis-à-vis de Téhéran. "Ce qui est vrai pour la Syrie l’est aussi pour l’Iran, a rappelé le Premier ministre, Benyamin Netanyahou. L’Iran doit comprendre les conséquences de son défi continu à la communauté internationale en poursuivant son programme nucléaire."

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Le recul du président américain Barack Obama, soucieux d’éviter à son pays une nouvelle campagne militaire désastreuse après l’Afghanistan et l’Irak, ajouté à sa volonté d’établir un contact direct avec son homologue iranien Hassan Rohani vient confirmer l’isolement d’Israël, partisan d’une intervention armée contre la République islamique. "Dans le brouillard qui recouvre le Moyen-Orient, nous devons réaliser que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes et construire une armée à même de dissuader tout ennemi", estime le ministre de la Défense, Moshé Yahalon. En attendant, l’État hébreu a réitéré ses mises en garde à la Syrie en cas de transfert d’armes de destruction massive au Hezbollah, via la frontière libanaise. "Nos lignes rouges n’ont pas changé", menace un haut responsable sécuritaire. Le message vaut aussi pour la communauté internationale : autrement dit, la politique israélienne ne se cantonne pas à des mots.

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