Afrique du Sud – France : Dulcie September, les barbouzes et l’apartheid

« Cold case » (7/7). Représentante de l’ANC en France, Dulcie September est assassinée le 29 mars 1988 alors qu’elle se rend à son bureau parisien. Une affaire sur laquelle plane l’ombre des services secrets sud-africains, de mercenaires et du gouvernement français.

© Montage JA / Sipa

Publié le 17 juillet 2022 Lecture : 6 minutes.

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Les poulets sont arrivés en nombre. Certains plaisantent, d’autres font la gueule derrière leurs moustaches épaisses qui entravent le moindre rictus. Les policiers barrent l’entrée d’un immeuble. On les a alertés de coups de feu. « Le 29 mars 1988, à 10 heures, au 28, rue des Petites-Écuries, à Paris 10e, était découvert le cadavre d’une femme de type mulâtre mortellement blessée de plusieurs coups de feu sur le palier du 4e étage du bâtiment C devant les bureaux de l’ANC », note le rapport de police.

Le Congrès national africain (ANC) a pu ouvrir une permanence dans le cœur de Paris après l’élection du président socialiste François Mitterrand en 1981. Le mouvement de lutte contre le régime d’apartheid y envoie Dulcie September en 1983 pour représenter ses intérêts en France, au Luxembourg et en Suisse. Cette enseignante sans enfant avait quitté l’Afrique du Sud en 1973 pour fuir le harcèlement du pouvoir ségrégationniste. Son militantisme l’avait conduite en prison pendant cinq ans. Après ces déboires, Paris est censé être un refuge. Pretoria est à onze heures d’avion. Pourtant, Dulcie se sent suivie, écoutée, elle est même agressée dans le métro et cambriolée.

Aucune protection

Métisse aux cheveux noirs tirés dans un chignon, la militante incarne le visage du mouvement en France. Elle est invitée à la télévision pour commenter la situation en Afrique du Sud où elle accuse le régime de Pretoria de terrorisme. Le ministère français de l’Intérieur lui reproche de manquer à son devoir de réserve, imposé aux réfugiés politiques, en manifestant dans la rue. L’Intérieur est alors dirigé par un représentant de la droite dure : Charles Pasqua. Malgré les menaces, son ministère ne protège pas Dulcie September.

Deux jours avant son assassinat, c’est le représentant de l’ANC en Belgique qui frôle la mort. En ouvrant la porte de son bureau à Bruxelles, Godfrey Motsepe découvre une bombe de 17 kilogrammes. Le mois précédent, il avait échappé à une première tentative d’assassinat quand deux balles avaient traversé la fenêtre de son bureau. Les services secrets sud-africains sont soupçonnés.

Vers 9h47, deux hommes sont aperçus par un témoin. Discrétion, rapidité et précision : c’est du travail de professionnel

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