Au Nigeria, la chance a tourné

Le président Goodluck Jonathan doit faire face à une fronde sans précédent au sein de sa propre majorité. Il n’a pas dit s’il se représenterait en 2015, mais beaucoup y sont opposés.

À Abuja, Goodluck Jonathan est soupçonné de défendre des intérêts régionalistes. © Rob Griffith/AP/SIPA

À Abuja, Goodluck Jonathan est soupçonné de défendre des intérêts régionalistes. © Rob Griffith/AP/SIPA

GEORGES-DOUGUELI_2024

Publié le 6 octobre 2013 Lecture : 2 minutes.

Voici Goodluck Jonathan bien embarrassé à deux ans de la fin de son premier mandat : la sourde contestation qui minait sa présidence a fini par faire exploser le People’s Democratic Party (PDP, au pouvoir), qui l’a fait élire, en 2011, à la suite du décès d’Umaru Yar’Adua, dont il était le vice-président.

Début septembre, des cadres du parti ont lancé le New PDP (NPDP), une faction dissidente qui exige le départ du chef de l’État en 2015. Au départ, la fronde était menée par six gouverneurs majoritairement issus du Nord musulman. Mais la dissidence compte également dans ses rangs l’insubmersible Atiku Abubakar, cet ancien vice-président d’Olusegun Obasanjo (entre 1999 et 2007), dont il fut aussi le dauphin avant de tomber en disgrâce pour s’être opposé à une révision constitutionnelle à l’initiative de son mentor.

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>> Lire aussi : Nigeria : trois partis d’opposition fusionnent pour affronter Goodluck Jonathan en 2015

Le 11 septembre, furieux, Goodluck a limogé neuf membres du gouvernement soupçonnés de pactiser avec ses nouveaux opposants. Mais il y a plus grave : deux jours plus tard, 57 membres de la Chambre des représentants, la chambre basse du Parlement, se sont déclarés solidaires des dissidents et ont menacé de les rejoindre si la crise n’était pas résolue dans les plus brefs délais.

La stabilité du pays menacée

La crise au sein de ce parti ultradominant de la vie politique nigériane menace d’autant plus la stabilité du pays qu’elle se nourrit des clivages ethno-régionalistes qui se sont aggravés depuis la dernière élection présidentielle. En 2010, l’élite du Nord s’était farouchement opposée au chrétien Goodluck, ancien gouverneur de l’État de Bayelsa, en s’appuyant sur la règle non écrite de l’alternance Nord-Sud. Sitôt élu, Goodluck a dû affronter, en janvier 2012, une grève déclenchée à la suite de la hausse des prix du carburant. Il était en difficulté, et c’est l’élite de sa région d’origine, le Delta du Niger, qui a volé à son secours. Mais la manoeuvre s’est retournée contre lui en le faisant apparaître comme le représentant d’une clique du Sud. Enfin, il s’était aussi mis à dos une grande partie du Nord à cause de l’extrême brutalité de la guerre livrée aux insurgés islamistes de Boko Haram. D’autant que, dans le même temps, Goodluck Jonathan n’a pas hésité à négocier avec les leaders des groupes politico-mafieux du Delta du Niger, à l’instar du Niger Delta People’s Volunteer Force, de Dokubo-Asari (qui menace d’ailleurs de prendre les armes si Goodluck n’est pas réélu en 2015).

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>> Lire aussi : Nigeria : Goodluck Jonathan décrète l’état d’urgence dans trois états du Nord

En embuscade, Atiku Abubakar attend son heure. Il s’efforce de rassembler au-delà des États du Nord et compte même déjà une prise de choix en la personne du gouverneur Chibuike Amaechi, de l’État pétrolier de Rivers. Influent (il est le président de la Conférence des gouverneurs du Nigeria), Amaechi se dit aujourd’hui menacé de mort.

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Pour tenter de circonscrire l’incendie, les partisans de Goodluck ont saisi la justice afin d’obtenir l’interdiction du NPDP. La police a quant à elle déclaré illégale toute manifestation qui serait organisée par ses militants. En coulisses, les anciens présidents Olusegun Obasanjo et Ibrahim Babangida s’activent pour rabibocher les frères ennemis… Pas sûr que les éventuels compromis tiennent jusqu’à la présidentielle prévue pour la mi-2015.

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