Sénégal : Karim Wade, Bibo Bourgi et le magot de Monaco

En prison depuis avril, le fils de l’ancien président doit justifier de quelque 150 millions d’euros qui ont figuré sur des comptes appartenant à la famille Bourgi.

Karim Wade en mars dernier, à Dakar. © AFP PHOTO / PHOTOSEYLLOU

Karim Wade en mars dernier, à Dakar. © AFP PHOTO / PHOTOSEYLLOU

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Publié le 27 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour le 27 septembre à 16h30

"C’est surréaliste ! La famille Bourgi était milliardaire bien avant la naissance de Karim Wade, tout le monde le sait !" Pour Me Guédel Ndiaye, l’un des avocats d’Ibrahim Aboukhalil (dit Bibo Bourgi), la seconde mise en demeure de Karim Wade, signifiée à l’intéressé le 13 septembre, a le goût amer de la noix de kola. Car elle repose en quasi-totalité sur un raisonnement attribuant au fils de l’ancien président les comptes bancaires officiellement détenus par son client, issu de l’une des familles libanaises les plus fortunées d’Afrique de l’Ouest.

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Depuis plusieurs mois, Bibo et son frère, Karim Aboukhalil, sont soupçonnés par le procureur spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) de n’être que les hommes de paille de Karim Wade.

En avril, une dizaine de sociétés dont ils sont les actionnaires officiels ont déjà été imputées à l’ancien "ministre du Ciel et de la Terre". Depuis, elles ont été placées sous administration judiciaire. Aujourd’hui, ce sont pas moins de vingt-neuf comptes détenus par la famille libanaise à la banque Julius Baer, à Monaco, qui sont placés sous séquestre à la demande de la justice sénégalaise. Leur montant a, en vertu du même raisonnement, été crédité par le parquet spécial au patrimoine de Karim Wade.

>> Voir aussi : Sénégal : ce que possède Karim Wade selon la justice

Aucun mouvement sur les comptes

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Au-delà de Bibo et de Karim Bourgi, la théorie de la Crei s’étend à présent à des comptes dont les "bénéficiaires économiques" sont Nadia Bourgi (leur tante) ou Hassan Ferial Bourgi (leur cousin germain). À croire que la fortune de cette famille qui a prospéré de longue date dans l’immobilier, le transport et diverses industries ne lui appartient pas ! Plus étonnant encore, le décompte effectué par la Crei ne porte pas sur les soldes cumulés (soit 12,2 millions d’euros), mais sur l’addition des versements effectués sur l’ensemble de ces comptes entre 2002 et 2013 (soit 151 millions d’euros), sans tenir compte des opérations de débit. Énième curiosité, la banque Julius Baer a explicitement indiqué qu’aucun des comptes de la famille Aboukhalil-Bourgi n’avait enregistré de mouvement au profit de Karim Wade. Comment le fils de l’ancien président peut-il être considéré comme le véritable bénéficiaire de la fortune des Bourgi ? Les documents relatifs à sa récente mise en demeure, que J.A. a pu consulter, ne le disent pas.

Si Karim Wade est bien titulaire d’un compte ouvert en 2003 chez Julius Baer, celui-ci, qui présente un solde créditeur de presque 2,5 millions d’euros, n’a enregistré aucun mouvement depuis une décennie. À en croire ses avocats, il s’agirait d’un "don personnel" du roi d’Arabie saoudite à Abdoulaye Wade, placé par Karim sur un compte spécialement ouvert à cet effet. Une explication qui révèle une confusion des genres et qui peut constituer, pour la Crei, un bel os à ronger. Depuis son incarcération mi-avril, Karim Wade n’a jamais été entendu sur le fond du dossier par la commission d’instruction. Théoriquement, celle-ci disposait de six mois pour décider de son sort et le maintenir en détention provisoire, un délai qui arrivera à expiration le 17 octobre. Selon ses avocats, c’est ce qui expliquerait le timing de cette nouvelle mise en demeure, qui arrivera à échéance le 13 octobre… Si Karim Wade devait être inculpé une seconde fois, le procureur spécial pourrait requérir un nouveau mandat de dépôt de six mois.

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Précision

À la suite de la publication, et afin d’éviter toute confusion, il convient de préciser qu’Ibrahim Aboukhalil (dit Bibo Bourgi) n’est apparenté que par son côté maternel à la très vaste famille Bourgi, honorablement connue au Sénégal.
 

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