Rachad Farah : « L’Unesco a perdu de sa prestance »
Dans la course à la tête de l’Unesco, il est le seul Africain. Mais la candidature du Djiboutien Rachad Farah ne plaît pas encore à tout le monde.
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Unique candidat du continent, Rachad Farah, 63 ans, a pris le départ de la course pour la tête de l’Unesco dès septembre 2012, multipliant les opérations de séduction dans les capitales et les arènes internationales. Adoubé par l’Union africaine (UA), ce diplomate de carrière a également reçu le soutien de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), de la Ligue arabe et des participants au sommet Afrique-Amérique du Sud (ASA) de Malabo en février. "Il s’agit aussi de rassembler le Sud derrière l’Afrique", explique Farah, qui piaffe d’impatience en attendant son "grand oral" du 2 octobre devant le Conseil exécutif de l’organisation.
jeune afrique : Certains critiquent cette candidature, arguant que Djibouti n’est pas un modèle de démocratie…
Rachad Farah : Djibouti est un État de droit qui donne toute sa place à la femme depuis des décennies, qui accorde une grande importance à l’éducation et qui est entré dans une phase démocratique comparable à celle que connaissent beaucoup de pays du Sud. Certes, nous ne sommes pas encore à la hauteur de la France et ses deux siècles d’expérience dans le domaine. Mais nous sommes engagés dans un processus démocratique, que nous soutenons aussi au niveau continental à travers l’UA.
Quels sont vos avantages sur votre principale rivale, Irina Bokova ?
Son bilan est très négatif, comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes française. Et 75 % des employés de l’Unesco ne veulent plus travailler avec elle. Ma candidature est celle de l’Afrique. C’est la première candidature unique du continent depuis 1974 et l’élection du Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow. Je veux incarner un pont entre le Nord et le Sud. Les 5 milliards de personnes qui vivent au Sud doivent se reconnaître dans les valeurs de l’Unesco. Comment les en convaincre, sinon en choisissant un Africain, arabe et musulman ?
Le rapport de la Cour des comptes est formel : le bilan d’Irina Bokova est négatif.
Vous proposez donc un New Deal pour l’Unesco…
L’organisation aura 70 ans en 2015. Mais elle a perdu de sa prestance et de sa renommée. On n’en parle que dans une optique comptable. Certes, il y a une crise financière, mais l’Unesco manque surtout de vision. Il faut faire revenir les intellectuels. Elle doit traverser la Méditerranée pour s’ancrer dans la vie quotidienne des gens qui en ont vraiment besoin. La jeunesse sera placée au coeur de mon dispositif. L’organisation doit aussi participer à la construction d’une culture de la paix, et je compte créer un comité de sages rassemblant toutes les religions pour promouvoir la tolérance.
Tout cela demande des moyens !
Je vais monter un comité d’experts et demander l’assistance des autres directeurs généraux des Nations unies pour proposer des pistes de financement innovantes. Il faut aussi réformer et alléger le fonctionnement. Mais le problème n’est pas comptable, il s’agit plutôt d’une question de responsabilité des États.
Quels sont vos projets pour l’Afrique ?
Nous avons besoin d’un pôle universitaire d’excellence pour former des personnes compétentes et leur donner envie de rester. Je milite pour que l’Unesco lance l’initiative d’un MIT [Massachusetts Institute of Technology] africain. Autre projet qui me tient à coeur : la charte des déserts car, dans cent ans, 40 % des terres seront stériles. Je souhaite dépolitiser la question en faisant appel aux sommités scientifiques de l’Unesco pour élaborer cette charte ainsi que des dispositifs de coopération transversale. Ce sont de tels actes qui redoreront le blason terni de l’organisation.
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Propos recueillis par Laurent de Saint Périer
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