Tunisie : pour le meilleur, après le pire ?
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 23 septembre 2013 Lecture : 2 minutes.
La Tunisie traverse une crise sans précédent à tous les niveaux : politique, économique et social, sécuritaire, moral… En cette fin septembre, Tunis a la mine des très mauvais jours. La perplexité et les interrogations multiples liées aux lendemains forcément incertains d’une révolution aussi inattendue qu’improvisée ont cédé la place à la confusion la plus totale. Et, de plus en plus souvent, au désabusement ou à l’amertume. Derniers épisodes en date de cette crispation permanente : la grève générale observée le 17 septembre par les médias pour dénoncer les pressions politiques et judiciaires auxquelles est soumise la profession (lire pp. 44-45), et, surtout, le scandale de l’affaire Brahmi, deuxième opposant assassiné en quelques mois. Des services de renseignements étrangers, américains en l’occurrence, avaient prévenu le gouvernement des menaces qui pesaient sur le coordinateur général du Courant populaire.
Poussée dans les cordes, Ennahdha continue de résister. Face à elle, le Front de salut national, vaste coalition de l’opposition regroupant la quasi-totalité des obédiences politiques, à l’exclusion des membres de la troïka, dans un contexte de moins en moins favorable aux islamistes ; le vent tourne en Turquie ou en Égypte, alors que l’Algérie, inquiète pour ses frontières, met la pression pour qu’une solution à la crise politique tunisienne soit rapidement trouvée. C’est à vrai dire une aubaine, car le dialogue national, jusqu’ici enlisé, s’en est trouvé relancé. Les discussions entre le pouvoir et l’opposition, sous l’égide de la puissante centrale syndicale UGTT, du patronat (Utica), de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et de l’Ordre des avocats, ont repris, et une feuille de route acceptable par toutes les parties – et à laquelle les contacts directs et indirects entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi ne sont assurément pas étrangers – a été élaborée. Démission du gouvernement, composition d’une nouvelle équipe apolitique basée sur la compétence et dont les membres ne pourront se présenter aux élections, maintien de l’Assemblée nationale constituante, chargée, d’ici au 23 octobre, de finaliser la Constitution, de mettre en place l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), d’élaborer un code électoral et de fixer une date raisonnable pour l’organisation des scrutins (présidentiel et législatifs), peut-être en décembre, plus vraisemblablement courant 2014, en avril ou en mai.
La balle est désormais dans le camp d’Ennahdha, dont le souci principal aujourd’hui semble être de ne pas donner l’impression de perdre la face. Une donnée que l’opposition doit prendre en compte si on veut éviter la catastrophe, c’est-à-dire le maintien indéfini du statu quo. Tout se joue en ce mois de septembre. Paradoxalement, les Tunisiens n’ont jamais été aussi proches de reprendre le cours de leur révolution de la seule manière possible : ensemble et non plus les uns contre les autres. Toucher le fond est parfois la seule manière de rebondir…
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