L’école des femmes
Le Burundi sur la voie de l’ouverture
Au Burundi, la scolarisation des filles accuse encore un net retard par rapport à celle des garçons. Ce constat a beau être nuancé par l’évolution spectaculaire de ces dernières années, due notamment à la gratuité de l’école primaire depuis 2005, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Pour l’année 2011-2012, le taux net de scolarisation au primaire [chez les enfants en âge d’être scolarisés] est de 93,1 % pour les filles et de 96,8 % pour les garçons. Les filles ayant l’âge officiel d’admission à l’école sont 75,8 % à entrer en première année de primaire, contre 82 % des garçons. Dans le secondaire, le taux net de scolarisation chute à 18,4 % chez les filles, 22,6 % chez les garçons. Seules 18,2 % des premières vont jusqu’au bout du premier cycle, contre 27,8 % des seconds. C’est pire à la fin du second cycle, où ce taux passe respectivement à 4,9 % et 13,7 %.
>> Lire aussi : De l’inégalité des sexes
Ces indicateurs montrent que, globalement, les écarts dans le milieu scolaire sont toujours en défaveur des filles. Pour réduire ces inégalités, la section burundaise du Forum des éducatrices africaines a mis l’accent sur trois priorités : l’accès à l’éducation, le maintien à l’école et le niveau des performances scolaires. Entrer à l’école a un impact formidable sur le statut des femmes et leur avenir. Mais de nombreuses filles n’y restent pas longtemps : c’est là que l’on constate la plus forte disparité. Le système patriarcal entrave l’autonomie des femmes. Certains parents continuent de penser que la place de leurs filles est au foyer, et des fillettes et des adolescentes sont tenues à l’écart de l’éducation par des mariages et des maternités précoces ou non désirées.
Le phénomène des grossesses en milieu scolaire, en particulier, prend de l’ampleur. On a relevé 484 cas de grossesse dans le primaire et 1 200 dans le secondaire pour l’année 2011-2012. Or, bien qu’elles y soient autorisées, rares sont les élèves qui réintègrent l’école une fois qu’elles ont accouché, leur famille ne pouvant assumer à la fois la charge d’un enfant et les frais de scolarité. Nous déplorons le climat d’impunité dont jouissent les auteurs de violences sexuelles en milieu scolaire – éducateurs, enseignants, condisciples… – ou sur le chemin de l’école, alors que la loi est censée protéger les jeunes filles, qui ne peuvent être considérées comme consentantes tant qu’elles sont en âge d’être scolarisées.
Certains parents croient encore que la place de leur filles est au foyer.
Au niveau des performances scolaires, les filles peuvent être aussi brillantes, voire plus, que les garçons. Mais elles ne restent pas plus longtemps à l’école pour autant. Dans le secondaire comme à l’université, leur présence est nettement plus rare. Filles et garçons ne fréquentent pas non plus les mêmes filières, les premières privilégiant les études littéraires, pédagogiques et sociales, au détriment des voies scientifiques et technologiques.
Afin de lutter contre les violences faites aux femmes et de faire respecter leurs droits, nous avons, avec des femmes psychologues, médecins et infirmières, créé en 2000 l’association Nturengaho [qui peut se traduire par : "Stop, ça suffit"]. Nous venons en aide aux jeunes filles qui font face à une grossesse non désirée. Dans notre pays, avoir un enfant hors mariage est synonyme de déshonneur pour la famille et attire l’opprobre de la société. La fille-mère se trouve ainsi rejetée de tous, y compris de ses parents. Renvoyée de l’école, elle doit interrompre sa scolarité. Pis, dans presque tous les cas, l’auteur de la grossesse refuse de reconnaître sa paternité. La jeune fille se retrouve isolée, sans personne à qui se confier.
En plus du suivi médical de la grossesse, nous lui apportons du réconfort par une prise en charge psychosociale et nous lui fournissons un hébergement de secours, le temps de trouver une famille d’accueil et de négocier le retour dans sa famille. Notre association n’incite jamais à l’avortement. Nos valeurs sont "le respect de la vie, la dignité et la solidarité". Les jeunes filles peuvent aussi trouver des informations concernant l’éducation sexuelle afin d’avoir une sexualité responsable. Notre objectif est de les aider à traverser au mieux cette période difficile qu’est l’adolescence.
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