Législatives allemandes : Merkel imbattable ?
À une semaine des législatives allemandes et malgré sa prestation en demi-teinte lors du seul duel télévisé de la campagne, la CDU (Union chrétienne-démocrate), le parti d’Angela Merkel, surclasse toujours les sociaux-démocrates du SPD dans les sondages. Une tendance confirmée en Bavière, le 15 septembre, par la victoire cruciale de la CSU (Union chrétienne sociale) au scrutin régional.
En ce samedi après-midi, sous un soleil radieux, la petite place d’Oranienbourg, au nord de Berlin, se colore d’orange. Affiches, chapeaux ou glaces à l’eau, tout est aux couleurs de la CDU. Dans ce fief de la gauche situé dans l’ex-Allemagne de l’Est, plusieurs centaines de militants et de curieux sont venus soutenir leur chancelière, en campagne pour un troisième mandat. "Vous me connaissez", répète Angela Merkel dans tous ses meetings – elle en a tenu cinquante-six à travers le pays. Cela n’a échappé à personne : le programme des chrétiens-démocrates, c’est elle, son bilan, sa popularité… "Elle mène une politique efficace, pragmatique, avec de bons résultats sur la croissance, le taux de chômage et les réformes", argumente Markus, un jeune militant.
Le symbole de cette personnification du scrutin ? Une affiche de 70 mètres de large sur 20 mètres de haut accrochée sur un hôtel en construction près de la gare centrale de Berlin. Elle montre les mains de la chancelière, jointes sur son ventre dans une posture qui lui est habituelle, avec ces simples mots : "Le futur de l’Allemagne entre de bonnes mains." Réseaux sociaux et caricaturistes s’en donnent à coeur joie !
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Face au rouleau compresseur de la CDU, Peer Steinbrück, le candidat social-démocrate, a longtemps fait figure d’outsider. La CDU reste largement en tête avec 40 % des intentions de vote, quand le SPD se borne à remonter légèrement (25 %). Mais le duel télévisé du 1er septembre entre Merkel et Steinbrück a légèrement changé la donne. "Toutes les enquêtes montrent que le leader du SPD a clairement répondu aux questions, avec des chiffres et des arguments précis, alors que la chancelière s’est contentée d’annonces très floues, analyse Martin Koopmann, politologue et directeur de la fondation Genshagen. Steinbrück est très compétent sur le plan économique et financier, mais il est handicapé par son image. Les gens ne le voient pas comme un homme d’État."
On en oublierait presque que les Allemands ne se prononceront pas sur le choix d’un chancelier, comme dans un scrutin direct. Mais qu’avec leurs deux voix – l’une pour un candidat, l’autre pour un parti – ils élisent leurs députés au Bundestag, qui se chargent ensuite de former des coalitions et de désigner un chancelier. Au total, trente-quatre partis participent à la consultation. Ils présentent 4 451 candidats dont les visages souriants et les slogans s’étalent sur tous les murs du pays. Mais beaucoup restent inaudibles. Les partis de second plan n’ont guère de chances d’exister qu’à l’ombre des grands appareils. "Merkel s’est installée dans le rôle de la présidente. Or je rappelle qu’il s’agit d’élections législatives. Où sont passés les Verts, le FDP, Die Linke ?" s’interroge Claudia Roth, coprésidente des Grünen (Verts), lors d’une réunion publique dans une rue commerçante, à Berlin. De fait, avec 10 % des intentions de vote, le parti écologiste semble voué à une association avec le SPD. "Mais nous ne faisons pas campagne pour lui ! s’emporte Roth. Nous avons des différences sur la politique énergétique, sur la sécurité des données personnelles ou sur la politique fiscale."
Die Linke trop à gauche
De la même manière, les libéraux du FDP, alliés traditionnels de la CDU, sont en retrait, alors qu’ils constituent l’une des clés du scrutin. S’ils dépassent les 5 % et entrent au Parlement, comme les sondages le laissent à penser, la coalition au pouvoir a de grandes chances d’être reconduite pour quatre ans. Enfin, Die Linke (8 % des intentions de vote) ne parvient pas à sortir de la marginalité. Trop à gauche, ses promesses – salaire minimum à 10 euros de l’heure, retraite à 65 ans au lieu de 67, égalité de traitement entre l’Est et l’Ouest – sont jugées assez largement irréalistes.
Abstention et désintérêt
Comme dans nombre de pays européens, l’abstention est ici un vrai problème. À quinze jours du scrutin, la moitié des Allemands ne savent pas encore s’ils se rendront aux urnes. Et encore moins pour qui ils vont voter. Attablé avec sa femme à la terrasse d’un café, Helmut, 70 ans, se montre par exemple totalement désabusé. "On prendra ce qui viendra. On peut même cocher le bulletin les yeux fermés", ironise-t-il.
Conscients de ce désintérêt, tous les partis se mobilisent pour la bataille finale. "Bien sûr, Merkel est en tête, mais rien n’est joué avant le 22 septembre, à 18 heures. D’ici là, le programme reste inchangé : distribution de tracts dans le métro, porte-à-porte et réponse aux courriers", explique Jan-Marco Luczak, candidat CDU qui recevait ce jour-là le soutien d’Ursula von der Leyen, la ministre du Travail, lors d’un meeting avec chansons traditionnelles, bière et bretzels. Même son de cloche du côté du SPD. Mais Steinbrück privilégie les petits rassemblements, afin de répondre directement aux questions des électeurs.
C’est sur la question sociale que va se jouer le scrutin : salaire minimum, retraites, politique familiale insuffisante, système de santé à deux vitesses… Car si les exportations se portent bien et que l’Allemagne a tiré son épingle du jeu lors de la crise, les Allemands l’ont payé au prix fort. Près de 8 millions d’entre eux touchent moins de 8 euros bruts de l’heure. Et parfois beaucoup moins comme dans la coiffure (3,80 euros) ou la boucherie (5,50 euros). Les salariés à 400 euros par mois sont légion.
Le SPD fait donc campagne pour un salaire minimum généralisé à 8,50 euros bruts de l’heure et une retraite minimum de solidarité à 850 euros. La CDU aussi réclame un salaire minimum, mais par branche, après accord entre les partenaires sociaux. "Sur beaucoup de questions, les positions des deux partis sont très proches, et les électeurs ont du mal à les différencier, commente Martin Koopmann. Depuis quatre ans, Merkel a tout fait pour recentrer la CDU, tandis que le SPD continue de pâtir de sa participation au gouvernement entre 2005 et 2009 aux côtés des chrétiens-démocrates." À l’époque, Steinbrück était d’ailleurs le ministre des Finances de Merkel… "C’est pourtant mieux d’avoir un candidat de gauche qui est à l’aise avec l’argent et qui connaît les finances publiques", plaide Mechthild Rawert, candidate du SPD dans la capitale. Plus que quelques jours et les jeux seront faits.
Pirates et trouble-fête
Ils sont trente-quatre partis à présenter des candidats aux élections législatives. Des indépendants aux formations régionales, il y en a pour tous les goûts. La plupart restent inconnus au niveau national, mais quelques-uns sont parvenus à capter l’attention des médias. C’est le cas d’Alternative für Deutschland (AfD), un parti anti-euro fondé au mois d’avril. Composé de déçus de la politique européenne de Merkel, il souhaite que l’Allemagne renonce à la monnaie unique. L’un de ses fondateurs, Alexander Gauland, candidat dans le Brandebourg, s’en explique : "En raison de la crise, la haine entre les pays est revenue à un niveau sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. L’euro divise plus qu’il ne rassemble, l’Europe peut fort bien exister sans lui." Crédité de 3 % des intentions de vote, l’AfD juge ce score fortement sous-évalué et ne désespère pas de jouer les trouble-fête. Il vient d’ailleurs d’ouvrir la porte à une coalition avec la CDU, hypothèse néanmoins peu vraisemblable. Les Pirates, qui, contre toute attente, avaient réalisé une percée en 2011, sont eux retombés sous la barre des 3 %. À cause des luttes intestines qui les opposent et de l’impossibilité de traduire en actes politiques leurs idées de démocratie participative et d’accès à l’information pour tous. Quant à l’extrême droite représentée par le NPD, elle peut avoir une influence au niveau local, dans les anciens Länder de l’Est, mais elle ne totalise au niveau national que 1,5 % des intentions de vote. Une particularité allemande. Gwénaëlle Deboutte, à Berlin
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