Angola : après la mort de « Zedu », la bataille dos Santos-Lourenço continue

Les obsèques de l’ancien président José Eduardo dos Santos, décédé le 8 juillet à Barcelone, font l’objet de discussions tendues entre l’exécutif angolais et la famille du défunt.

José Eduardo dos Santos, ici photographié en 2012 avec l’ex-première dame Ana Paula, est décédé le 8 juillet à Barcelone, en Espagne. © STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

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Publié le 13 juillet 2022 Lecture : 4 minutes.

Ce sont des négociations d’un type particulier : se mettre d’accord sur la date, le lieu et les conditions d’un enterrement, celui de l’ancien président angolais, José Eduardo dos Santos. Depuis son décès le 8 juillet à Barcelone, en Espagne, où il vivait depuis avril 2019, des discussions tendues, rapportées notamment par l’agence de presse Lusa, se déroulent entre la famille de l’ancien chef de l’État, dont deux de ses filles Isabel et Tchizé dos Santos, et l’exécutif angolais, dirigé par l’actuel président et successeur de dos Santos, João Lourenço.

D’un côté, la présidence angolaise, qui a décrété sept jours de deuil national et annoncé l’ouverture d’espaces de recueillement dans toutes les provinces du pays, entend organiser en Angola des funérailles d’État, en accord avec le statut d’ancien président de José Eduardo dos Santos.

Nous comptons sur la présence de tous, sans aucune exception

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Dès l’annonce du décès, l’exécutif a créé un comité ministériel pour organiser les obsèques et, ce lundi 11 juillet, João Lourenço est allé lui rendre hommage dans un espace spécialement aménagé à Luanda, au Mausolée d’Agostinho Neto, monument célébrant le souvenir du premier président de l’Angola indépendant.

Branche d’olivier

« Nous comptons sur la présence de tous, sans aucune exception [lors des obsèques] », a affirmé le chef de l’État, insistant sur le fait qu’il ne « voyait pas de raison à ce que la famille, qui se trouve à l’étranger, ne puisse pas accompagner son être cher ». Une déclaration en forme de branche d’olivier alors que les relations avec le camp dos Santos sont tendues depuis l’arrivée au pouvoir de Lourenço et le lancement par ce dernier d’une croisade anti-corruption visant notamment l’ancienne famille présidentielle. Critiqué pour cette stratégie, y compris au sein de son propre camp, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), et devant affronter des élections générales le 24 août, João Lourenço ne peut voir que d’un bon œil des obsèques nationales célébrant l’union de son camp et du pays tout entier.

Sans surprise, les enfants dos Santos refusent une récupération politique des funérailles de leur père. « João Lourenço et son gouvernement ont, avec la complicité de la direction du MPLA, harcelé José Eduardo dos Santos jusqu’à son décès. Aujourd’hui, ils veulent organiser son enterrement. Comment une fille qui aime son père peut garder son calme face à tant d’hypocrisie et de malveillance ? », a déclaré sur Instagram l’une des filles de l’ancien président, Tchizé, qui a demandé une autopsie autant pour faire la lumière sur les causes de la mort de son père que retarder un éventuel transfert à Luanda. Les résultats préliminaires de l’autopsie, réalisée le week-end dernier, font dores-et-déjà état d’une « mort naturelle ».

Récupération politique

Selon le quotidien portugais Expresso, Isabel dos Santos, fille aînée de José Eduardo dos Santos et demi-sœur de Tchizé, ne serait pas opposée à des obsèques en Angola à condition qu’elles se tiennent après les élections et avec l’assurance qu’elle et Tchizé ne soient pas inquiétées par la justice angolaise. Alors que son demi-frère José Filomeno dos Santos a été condamné pour fraude à cinq ans de prison (une décision dont il a fait appel), Isabel dos Santos est visée par plusieurs procédures judiciaires en Angola et au Portugal ouvertes sur des accusations de corruption qu’elle réfute.

La famille dos Santos ne présente pas une position unie dans les discussions avec les autorités angolaises

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Fin juin, la justice angolaise a ainsi tenté d’entendre la femme d’affaires alors qu’elle se trouvait aux Pays-Bas, en vain. Pour compliquer la donne, la famille dos Santos ne présente pas une position unie dans les discussions avec les autorités angolaises, l’ex-première dame, Ana Paula dos Santos, et l’une des sœurs de José Eduardo dos Santos, Marta dos Santos, paraissant plus enclines à coopérer et favorables à des funérailles en Angola.

Preuve des difficultés, la réunion qui s’est tenue ce week-end et les échanges qui ont suivi n’ont débouché sur aucun accord. Pour mener les discussions, la présidence angolaise a notamment dépêché à Barcelone le ministre d’État et chef de la « Maison militaire », Francisco Furtado, le ministre des Affaires étrangères, Téte António, et le procureur général de la République, Helder Pitta Grós. Lors de la réunion, ils avaient face à eux, selon l’agence Lusa, Ana Paula dos Santos, les trois enfants issus de son union avec l’ancien président et un autre des fils, Joess dos Santos – Isabel dos Santos, José Eduardo Paulino dos Santos « Coréon Dú » (le frère de Tchizé), la sœur du défunt Marta dos Santos et six neveux ayant participé par vidéoconférence.

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Le sujet de la remise du corps de l’ancien président et de son éventuel transfert à Luanda est désormais devant la justice espagnole qui, selon Lusa, doit se prononcer sur le dossier dans la semaine.

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