Tunisie : du « grenier à blé de Rome » au pays des pénuries
Depuis quelques années, les Tunisiens ont vu leurs achats de produits alimentaires rationnés. Ils s’inquiètent à présent pour le blé. Les réformes annoncées permettront-elles de relancer une agriculture déclinante ?
Comme à chaque veille de fête, cette boulangerie tunisoise ne désemplit pas. « Il faut de quoi tenir jusqu’à la reprise, après la fête du sacrifice », lance l’un des clients en emportant une dizaine de pains. Avec une moyenne de 74 kilogrammes par an et par habitant, la Tunisie arrive régulièrement en tête du classement des plus gros consommateurs de pain au monde.
Même si le pain blanc a été introduit par le colonisateur, le pays a toujours entretenu un rapport particulier au blé. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les mosaïques de l’époque de Carthage exposées au musée du Bardo : la Tunisie était considérée comme le grenier de Rome.
Une céréaliculture historique, mais en recul
La culture des céréales remonte à plus loin. On relève, dès le néolithique, la présence de semences venues de Mésopotamie et ayant subi des mutations qui ont distingué le blé dur du blé tendre – des variétés proches de celles que l’on connaît aujourd’hui. « Les céréales, dont l’orge, jouaient un rôle essentiel dans le bol alimentaire et procuraient la satiété », explique un nutritionniste. Ces habitudes alimentaires sont devenues traditions culinaires avec les dérivés de la semoule, dont le couscous et les pâtes, introduits plus tardivement. Au point de sembler immuables, le pays étant producteur de blé dur.
Des finances publiques fragilisées, une pandémie à rallonge et le conflit russo-ukrainien ont suffi à effacer l’image d’Épinal d’une Tunisie aux ressources céréalières inépuisables. La situation est telle que l’approvisionnement en blé est aujourd’hui une priorité absolue pour l’État. Les autorités n’ignorent pas qu’une pénurie ou une hausse des prix peut engendrer des soulèvements populaires, comme les émeutes du pain en janvier 1984.
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