Patience et bijoux de famille
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 16 septembre 2013 Lecture : 2 minutes.
"La patience, dit Plutarque, a beaucoup plus de pouvoir que la force." Si l’adage est exact, la négociation sur le démantèlement des armes chimiques syriennes initiée par la diplomatie russe est porteuse d’espoir, à condition de s’armer de… patience. Au mieux, en effet, il faudra en passer par une résolution de l’ONU, un strip-tease circonstancié – liste de sites à l’appui – de la part d’Assad, plusieurs vérifications des inspecteurs internationaux et la destruction des stocks avant de solder ce qui n’est qu’un des aspects, sans doute le plus insoutenable, du drame syrien. Sommé lui aussi, il y a dix ans, de livrer son arsenal non conventionnel, le Libyen Kadhafi avait joué le jeu et même au-delà, offrant aux agents de la CIA et du MI6 les clés de ses casernes et le CV de ses fournisseurs. Malgré cela, six mois avaient été nécessaires pour inventorier et détruire sa panoplie létale. Or Kadhafi était bien seul, alors que le raïs de Damas a derrière lui la Russie, la Chine, accessoirement l’Irak et la Corée du Nord, et surtout l’Iran, dont l’appareil sécuritaire est à ce point intégré au sien qu’on l’imagine mal se résoudre à en fournir tous les secrets.
Qu’y a-t-il au bout de la patience ? La victoire ! C’est ce que se dit ce diable de Robert Mugabe, qui vient de refermer, en formant un gouvernement uniquement composé de ses vieux fidèles, la parenthèse d’une cohabitation imposée par l’Occident. Qu’on le veuille ou non, cet autocrate nonagénaire a renforcé son pouvoir, laminé son opposition et humilié les prêcheurs anglo-saxons de la bonne gouvernance, tout en savourant le hero’s welcome que Zuma, Obasanjo et l’Union africaine lui ont réservé. Derrière lui se profile une Afrique boostée par la croissance et les appétits de ces alliés de substitution que sont la Chine, le Brésil, l’Inde, la Turquie et les émirats du Golfe. Comme Mugabe, ils sont nombreux à vouloir profiter de cette nouvelle guerre froide pour dire basta au moralisme occidental, à la Cour pénale internationale (CPI) et aux ONG. Et nombreux à mettre le doigt là où cela fait mal : "Traitez-nous comme vous traitez les Chinois." Qui, il est vrai, exige de Pékin la tenue d’élections libres et l’alternance au pouvoir ?
La patience, hélas, peut aussi être la forme polie du désespoir. La Centrafrique est tombée si bas que ses habitants rêvent tout haut d’être mis sous tutelle de l’ONU, de la France ou de n’importe qui, pourvu que ce ne soit pas celle de leurs propres dirigeants. Si bas que Paris et les capitales de la région se mordent les doigts d’avoir lâché Bozizé pour une bande d’écumeurs de savane. Si bas que, le jour de l’investiture du président autoproclamé Djotodia à Bangui, les parures et les décorations qu’il portait étaient des faux grossiers, made in China, refilés en douce par le directeur du Trésor chargé de les acheter. Judes-Alex Ketté, c’est son nom, a empoché les 900 000 euros et fourgué à son chef des bijoux en toc. Prière de ne pas en rire, mais d’en pleurer.
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