Égypte ancienne : en immersion dans les secrets des pharaons

Proposant parcours en 3D ou des formats plus classiques, plusieurs expositions organisées en France rendent hommage à une civilisation qui fascine toujours autant. Parmi elles, « L’horizon de Khéops », à l’Institut du monde arabe.

Exposition en 3D, « L’horizon de Khéops ». © Emissive/Excurio

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 12 août 2022 Lecture : 6 minutes.

Un nouveau produit de synthèse fait sensation dans les milieux égyptomanes de France. D’accès légal à l’Institut du monde arabe (IMA), il promet un trip hallucinatoire, un voyage de 45 minutes à 5 000 km de la Seine et d’autant d’années vers le passé, des entrailles au sommet de la dernière merveille du monde antique subsistante : la grande pyramide du pharaon Khéops.

« Le succès est au rendez-vous et les week-ends sont réservés des semaines à l’avance, mais rassurez-vous cela ne développe pas d’addiction, sinon à la culture », plaisante Emmanuel Guerriero, cofondateur de la société Emissive, qui a conçu l’exposition, ou plutôt l’excursion. Cette dernière s’annonce « immersive », épithète tendance dans l’événementiel, mais appliqué ici à juste titre.

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Réalisme des reconstitutions

Quelques réglages sur le casque de vision posé sur le crâne suffisent pour se retrouver plongé sur le plateau de Gizeh, face à la montagne de pierre. Les premiers pas à la recherche d’un équilibre dans cette nouvelle dimension sont hésitants, car il s’agit bien d’une visite et non d’un spectacle : il faut se déplacer, arpenter les ruines au soleil couchant, fouiller les couloirs et les chambres mortuaires du pharaon sous la houlette d’une guide pétillante. Le réalisme des reconstitutions est saisissant : traits des burins antiques, graffitis de touristes européens des siècles passés, grain de la pierre… On est parfois tenté de toucher tant on veut croire ce que l’on voit.

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Les images ont été réalisées à partir d’un important travail photogrammétrique mené par Iconem, start-up créée en 2013 pour numériser les œuvres du patrimoine mondial en péril. « Cette expérience ne se limite pas au seul divertissement », souligne Guerriero, qui met en avant la collaboration avec Peter Der Manuelian, égyptologue à l’université de Harvard, dont l’expertise a profité à Emissive. « Nos travaux peuvent ainsi servir la recherche en épargnant les intrusions in situ. Et même la conservation, par la reconstitution de monuments voués à être ré-ensablés pour éviter leur érosion. » Au public, le parcours offre ainsi la possibilité d’explorer le cœur de la pyramide, la chambre du roi, dont il faut réserver très en avance la visite sur le site réel, et celle de la reine, fermée à tous.

Une expérience complémentaire

Par un autre tour de magie, la seconde partie de l’exploration embarque le visiteur vers le passé pour assister à l’embaumement du pharaon bâtisseur, au pied de son tombeau colossal, lisse et éclatant de blancheur, entouré de temples et de mastabas. Avantage majeur du virtuel : l’ensemble monumental peut tenir sur un disque dur, être dupliqué et faire le tour de la planète sans nécessiter les mesures de sécurité exigées par une exposition classique. L’Afrique, encore à l’écart des événements culturels, pourrait bientôt en bénéficier, se félicite Guerriero, qui indique être d’ores et déjà en discussion avec les autorités du nouveau Grand Musée égyptien de Gizeh.

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À quand une exploration virtuelle des palais royaux d’Abomey, qui viendrait éclairer sur la fonction et le sens des trésors royaux récemment restitués par la France au Bénin ? À ceux qui s’inquiéteraient de voir un tel type d’expérience se substituer aux expositions classiques, Guerriero explique ne pas se voir comme concurrent mais plutôt comme complément des musées : « Notre outil contextualise les objets présentés dans les collections et peut servir à préparer une visite sur place, voire à en déclencher l’envie. »

Des pharaons en 3D

La présence de l’objet, les vibrations de sa matière sont peut-être ce qu’il manque à cette exposition pleine de sensations, où l’on se surprend à chanceler de vertige au sommet de la pyramide, ou à éprouver une légère claustrophobie en se faufilant dans les boyaux de pierre. Pour les amateurs de déambulations plus classiques, les événements se bousculent cette année au pays de l’égyptomanie. Alors qu’était lancée l’expédition de l’IMA à Khéops, les pharaons noirs du royaume de Napata s’apprêtaient à quitter le Louvre après une visite écourtée par les aléas de la crise sanitaire. Illustrée par une profusion d’objets, de grands sphinx de pierre à la joaillerie la plus fine, cette période qui, au VIIIe siècle avant notre ère, a vu les souverains de Nubie réunifier toute l’Égypte sous leur sceptre est, elle aussi, pleine de mystère. Et si l’influence pharaonique classique est omniprésente, l’art de Napata s’en distingue 166 par des différences mythologiques et morphologiques sensibles. Là aussi, la technologie la plus moderne a été mise à contribution pour reconstituer, en matière bien réelle à l’aide d’une imprimante 3D, la cohorte des pharaons nubiens.

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Réalisées au micromètre près à partir d’œuvres existantes mais que l’on ne pouvait déplacer, les statues apparaissent dans leur état originel, intactes, noires d’ébène avec leurs ornements d’or et de couleurs vives. Au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) de Marseille, l’exposition « Pharaons superstars » se penche jusqu’au 17 octobre sur la postérité des souverains bien plus célèbres, Ramsès, Toutankhamon, Néfertiti…, illustrée par plus de 300 objets « des hiéroglyphes égyptiens à la musique pop ». D’avril à septembre 2023, l’une de ces célébrités, Ramsès II, sera de passage à Paris, à la Grande Halle de La Villette, où, en 2019, s’étaient pressés plus de 1,5 million de visiteurs pour contempler quelques belles pièces du trésor de Toutankhamon. À nouveau, « l’or de pharaon » est mis en avant, « sarcophages et momies, bijoux sublimes, masques royaux spectaculaires […] rendent hommage au délicat savoir-faire égyptien », et l’on annonce également « une expérience immersive ».

Égyptomanie française

L’Égypte fait recette en France plus qu’ailleurs, et l’exposition de ses merveilles est la promesse d’un succès assuré. Une égyptomanie dont le grand mage est à l’honneur en 2022, Jean-François Champollion qui, il y a deux cents ans, a percé le mystère des hiéroglyphes. « Il est le père de l’égyptologie moderne et a permis de comprendre une civilisation restée muette pendant 1 500 ans », explique l’égyptologue Jean-Luc Fournet, un des commissaires de l’exposition « Champollion 1822 », organisée en septembre au Collège de France, où le savant fonda la toute première chaire consacrée à l’étude de l’Égypte antique. Du 28 septembre 2022 au 16 janvier suivant, le Louvre-Lens proposera également une exposition sur le savant et « la voie des hiéroglyphes ».

La célébration du maître déchiffreur sera aussi celle de l’écriture si particulière des anciens Égyptiens dont l’originalité – et longtemps le secret participent à la fascination pour la civilisation des pharaons. « L’idée d’une Égypte terre de sagesse et de mystères nous a été léguée par l’image qu’en avaient les Grecs et les Romains et au fait que, pendant des siècles, ne pouvant accéder aux textes, nous avons inventé tout ce que nous voulions sur les hiéroglyphes », resitue Fournet. Dès le IIe siècle de notre ère, les temples où l’on enseigne son écriture sont négligés, et la christianisation de l’empire porte le coup de grâce : la dernière inscription hiéroglyphique connue, maladroitement gravée sur l’île de Philæ, remonte à 394. Mais la langue des anciens a perduré dans celle des Coptes chrétiens, écrite en alphabet grec, et c’est par elle que Champollion a pu en découvrir les structures et le fonctionnement.

L’exposition du Collège de France se terminera sur la présentation de la statue du savant par Bartholdi – l’auteur de la statue de la Liberté –, qui trône dans la cour du célèbre institut. Sur celle-ci, Fournet rapporte une polémique récente, qui a plus à voir avec la tendance décolonialiste qu’avec l’étude des textes anciens : « Cette œuvre montre Champollion posant le pied sur la tête d’un sphinx, ce qui a été interprété, notamment par nos visiteurs égyptiens, comme une marque insupportable d’humiliation de l’Égypte. Or il n’en est rien, cette position illustre la victoire du savant sur l’énigme des hiéroglyphes dont le sphinx est le symbole. » Les temples d’Amon se sont depuis longtemps effondrés, mais les souvenirs des pharaons restent sacrés pour encore bien des adorateurs.

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