Génocide des Tutsi au Rwanda : Laurent Bucyibaruta condamné à 20 ans de réclusion pour complicité

L’ancien préfet de Gikongoro, le plus haut responsable rwandais jamais jugé en France pour les crimes liés au génocide, n’a cessé de minimiser son importance lors de son procès.

Croquis d’audience : Laurent Bucyibaruta, jugé pour génocide à Paris, le 9 mai 2022. © AFP/Benoit Peyrucq

Publié le 13 juillet 2022 Lecture : 3 minutes.

Laurent Bucyibaruta a été condamné mardi 12 juillet par la cour d’assises de Paris à vingt ans de réclusion criminelle pour complicité de génocide. À l’issue de près de onze heures de délibéré, l’ancien préfet de Gikongoro, 78 ans, a été acquitté en tant qu’auteur de génocide mais reconnu coupable de complicité de génocide et de crimes contre l’humanité pour quatre massacres.

Laurent Bucyibaruta, qui comparaissait libre mais sous contrôle judiciaire depuis le 9 mai et qui souffre de pathologies multiples, a passé la nuit en prison. Se déplaçant avec une canne, il a été escorté par des gendarmes peu après l’énoncé du verdict. Il est le plus haut responsable rwandais jamais jugé en France.

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Complice de génocide

L’accusation avait réclamé à son encontre la réclusion criminelle à perpétuité, le considérant complice d’un massacre et comme l’auteur de quatre autres dans la préfecture de Gikongoro. Cette région du sud du Rwanda a été l’une des plus touchées par le génocide, qui a fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994.

La cour l’a acquitté des accusations de génocide et de crimes contre l’humanité commis dans la paroisse de Kibeho le 14 avril 1994, ainsi que de celles concernant les exécutions de prisonniers tutsi, dont trois prêtres, à la prison de Gikongoro. Le ministère public avait requis l’acquittement pour ces derniers faits.

Les magistrats et les jurés l’ont en revanche reconnu complice de génocide et de crimes contre l’humanité pour les massacres de l’école en construction de Murambi et des paroisses de Cyanika et Kaduha, qui ont fait près de 75 000 morts le 21 avril 1994. Laurent Bucyibaruta est également condamné pour complicité pour les exécutions d’élèves à l’école Marie Merci de Kibeho et pour celles commises lors de rondes et à des barrières.

L’ancien préfet a dix jours pour faire appel.

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« Rouage incontournable de la machine meurtrière »

« Vingt ans… J’ai l’impression que c’est une peine mi-figue mi-raisin », a réagi Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). « C’est un choc, en même temps il est condamné pour complicité de génocide donc je ne vais pas non plus tergiverser », a commenté Dafroza Gauthier, qui traque avec son époux les génocidaires présumés.

La défense avait demandé à la cour de faire « le choix du courage » en acquittant un fonctionnaire « isolé et sans force » pour empêcher les massacres dans sa préfecture. Pendant les neuf semaines de débats, Laurent Bucyibaruta n’a cessé de minimiser son importance dans la chaîne hiérarchique et celle des moyens à sa disposition pour empêcher les tueries, répétant qu’il avait été « dépassé par les événements ».

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Il a été « un rouage incontournable sans lequel la machine meurtrière n’aurait pas pu être mise en œuvre », avaient estimé les avocates générales dans leur réquisitoire. S’il « n’a tué aucune personne », l’ex-fonctionnaire « a sur lui le sang de toutes les victimes tuées à Gikongoro ».

Visé par une enquête depuis 2000

Dans ses derniers mots à la cour, l’accusé a martelé n’avoir « jamais été dans le camp des tueurs » et a exprimé ses « remords » de ne pas avoir « pu sauver » les Tutsi de sa préfecture.

Laurent Bucyibaruta avait fui le Rwanda après la fin du génocide, le 23 juillet 1994. Il vit en France depuis 1997, dans la banlieue de Troyes, et était visé par une enquête depuis 2000. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui avait un temps réclamé Laurent Bucyibaruta, s’était finalement dessaisi au profit des juridictions françaises.

Avec AFP

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