Mali : le point sur le plan de relance

Préalable à l’octroi d’une aide internationale substantielle, un plan de relance a été adopté en mai. Comment a-t-il été élaboré ? Que prévoit-il ? Et à quoi engage-t-il le nouveau gouvernement ?

La conférence des donateurs, le 15 mai à Bruxelles. © DR

La conférence des donateurs, le 15 mai à Bruxelles. © DR

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Publié le 20 septembre 2013 Lecture : 6 minutes.

Mali : renaître !
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Mali : renaître !

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"L’originalité de l’approche adoptée à la veille de la conférence des donateurs [à Bruxelles, en mai], c’est la volonté d’avancer parallèlement sur tous les fronts, au lieu de décomposer par séquences les priorités." Pour Pierre Duquesne, ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement au ministère français des Affaires étrangères, la réussite de cette conférence doit beaucoup à cette ambition novatrice. Plutôt que d’appréhender successivement l’option militaire et sécuritaire, les urgences humanitaires puis les questions de relance économique et de développement, le choix a été fait de combler, dans un même élan, l’ensemble des failles qui ont conduit à l’éclatement de la crise, en 2012.

Si Pierre Duquesne a oeuvré en toute discrétion, son rôle est aujourd’hui largement salué à Bamako. De l’Union européenne (UE) à la Banque africaine de développement (BAD) en passant par les autorités maliennes de transition, on ne tarit pas d’éloges sur l’habileté pédagogique de ce diplomate dont l’expertise en matière de reconstruction s’est forgée, depuis 2008, en Afghanistan, en Palestine, au Pakistan, au Liban et en Haïti. Lorsqu’il entre en piste, en janvier 2013, quelques jours après le déclenchement de l’opération Serval, cela fait près de un an que les bailleurs de fonds ont suspendu leur aide au régime issu du coup d’État du 22 mars 2012. Le premier préalable est le retour à la légalité institutionnelle, ce qui conduit les autorités maliennes à adopter, le 29 janvier, une "feuille de route" prévoyant d’organiser l’élection présidentielle au plus tard en juillet. La coopération peut donc reprendre.

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Des stratégies de développement présentées aux donateurs

Le principe d’une conférence des donateurs est entériné en février, lors d’une réunion informelle des ministres européens du Développement, à Dublin. La France, qui en sera la cheville ouvrière, souhaite l’organiser en étroite collaboration avec Bruxelles. Dès lors, Duquesne prend son bâton de pèlerin. En liaison permanente avec Bamako, accompagné de représentants de l’UE, il parcourt le monde à la rencontre des gouvernements et partenaires techniques et financiers dont il espère la contribution. "Il ne voulait pas une table ronde au sens technocratique, mais une conférence au sommet, raconte Émile Jeannée, chef des opérations de coopération de l’UE à Bamako. Avec lui, nous avons rencontré les principaux ministres maliens afin de les inciter à définir leur vision politique pour la relance du pays." Pour Duquesne, la conférence prévue à Bruxelles ne saurait en effet se confondre avec un Téléthon. "On ne peut pas aller au-devant des donateurs sans stratégie de développement, fait valoir le diplomate. Ce n’est pas de la compassion qu’ils financent."

En concertation avec la partie malienne, l’idée est retenue de produire un document synthétique, au contenu plus politique que technique, présentant une vision stratégique pour la période 2013-2014. Si Duquesne joue un rôle de catalyseur et de conseiller, la rédaction est le fait du gouvernement malien de transition. "Il fallait aller vite, précise Yves Gaymard, chef du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France à Bamako. La session de printemps du FMI [Fonds monétaire international] et de la Banque mondiale devait se tenir à Washington fin avril, et nous souhaitions leur imprimatur." Pierre Duquesne confirme : "J’ai suggéré aux conseils des deux institutions de consulter le document lors de ces réunions. Ils ont rendu des conclusions qui représentaient une forme d’aval."

À Bamako, un quintet est à la manoeuvre pour parachever la rédaction de ce qui deviendra le Plan pour la relance durable du Mali (Pred) : Tiéna Coulibaly, ministre de l’Économie, Mamadou Namory Traoré, ministre de la Fonction publique, Macky Traoré, directeur Europe du ministère des Affaires étrangères, Mamadou Dembélé, coordinateur de la structure d’harmonisation de l’aide, et Sékouba Diarra, coordinateur du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. "Nos principales préoccupations portaient sur la reconstruction des infra­structures détruites dans le Nord, sur une réforme en profondeur de la gouvernance malienne et sur une décentralisation digne de ce nom", précise Mamadou Namory Traoré.

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Le Pred, défini pour une durée de deux ans (2013-2014), est articulé autour de douze thématiques prioritaires : assurer la paix, la sécurité et l’intervention de l’État sur l’ensemble du territoire ; répondre aux urgences humanitaires ; organiser des élections crédibles et transparentes ; approfondir la décentralisation et engager la réforme de l’État ; garantir le bon fonctionnement de la justice et la lutte anticorruption ; conforter la réforme des finances publiques ; relancer l’économie ; relever le défi de l’éducation ; garantir l’accès à des services sanitaires de qualité ; soutenir les projets culturels ; promouvoir la place des femmes dans tous les secteurs ; et, enfin, intégrer le volet environnemental.

Après un dernier feed-back des bailleurs de fonds traditionnels du Mali lors d’une réunion préliminaire le 3 mai, à Paris, l’ultime version du Pred sera achevée à quelques jours de la conférence des donateurs. Et à Bruxelles, les promesses de dons dépasseront les attentes : pour un besoin de financement estimé à 1,96 milliard d’euros, 3,25 milliards seront finalement réunis. Reste tout de même pour le budget interne malien à financer 25 % du plan, dont le coût total est estimé à 4,34 milliards d’euros. À Bamako, on s’efforce désormais de s’y retrouver dans cette manne, qui inclut des projets déjà engagés mais non décaissés, des financements additionnels, des prêts concessionnels, des aides budgétaires, des dons en nature…

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Les cinq principaux donateurs. © Jeune Afrique

Une gestion des fonds transparente

La nouvelle équipe sera-t-elle liée par le Pred ? Dans l’entourage d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le nouveau président, on se veut prudent. "Je ne peux rien vous dire pour l’instant, élude Amadou Sangaré, son porte-parole de campagne. Nous aurons à faire un état des lieux des différents engagements pris sous la transition, et notre équipe prendra contact avec les bailleurs de Bruxelles pour éclaircir la nature des financements promis." Un diplomate européen familier du dossier considère quant à lui qu’IBK devra se conformer au Pred s’il entend récolter la manne promise. Mais il en relativise l’aspect contraignant : "La nouvelle équipe a sa propre vision, mais le Pred est un cadre stratégique général relativement consensuel. Cela ne devrait pas poser de problème d’assurer la continuité de l’État sur cette question."

Quant à la gestion de ces fonds, les donateurs la veulent transparente, comme l’indiquait Pascal Canfin, le ministre français délégué au Développement, à la veille de la conférence de Bruxelles : "C’est très bien de mobiliser la communauté internationale, mais encore faut-il que l’aide soit engagée au bénéfice des projets des populations et ne fasse pas l’objet de détournements ou d’une mauvaise gouvernance, comme cela a pu être le cas dans le passé."

Carences et urgences

Difficile de distinguer priorités et chantiers secondaires tant les besoins du Mali sont énormes. Éducation, santé, eau et assainissement, énergie, sécurité alimentaire… Autant de domaines où les insuffisances hypothèquent la relance économique. Les grands bailleurs sont déjà engagés dans des chantiers d’infrastructures, mais au-delà des carences en services de base, "la vraie nécessité, c’est de relancer l’économie afin de créer de la croissance et de lutter efficacement contre la pauvreté", explique Cédric Merel, chargé des infrastructures à la délégation de l’Union européenne au Mali. "Le pays a besoin d’une politique monétaire incitative, ajoute un diplomate européen. L’économie n’est pas drainée par le crédit, notamment agricole, et ce n’est pas à la microfinance d’assumer ce rôle." À la Banque africaine de développement (BAD), "on s’efforce de soutenir les populations et la relance de l’économie", explique Hélène N’Garnim-Ganga, sa représentante résidente au Mali. Elle précise que l’institution a décaissé un appui budgétaire d’urgence en 2013, afin de "donner une bouffée d’oxygène à l’économie, tout en tentant d’apurer la dette intérieure, car le secteur privé a beaucoup souffert de la récession".

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