Prophète déjanté pour ethnie à l’abandon
Le premier roman du slameur Paul Beatty est enfin traduit en français. Entre basketball et poésie, une farce sur la meilleure façon d’être nègre aux États-Unis.
Les lecteurs francophones avaient découvert Paul Beatty en 2009, avec la parution de Slumberland aux éditions du Seuil, qui narrait les aventures soniques d’un DJ africain-américain à Berlin-Ouest avant la chute du Mur. Quatre ans plus tard, le premier roman (1996) du slameur et écrivain new-yorkais est enfin traduit en français. American Prophet est un récit d’initiation un brin déjanté : on y suit la jeunesse de Gunnar Kaufman, descendant d’une longue lignée de Noirs veules et opportunistes, élevé dans un quartier blanc de Santa Monica (Californie) avant d’être transplanté dans les ghettos de Los Angeles, entre Crips et Bloods, épiciers coréens et gangsters latinos.
C’est alors qu’il prend conscience de sa "condition d’alliage culturel, un coeur en fer-blanc emballé dans un placage en cuivre bruni". Son objectif désormais : devenir un nègre véritable. De fait, les dons exceptionnels du jeune Gunnar en basketball et en poésie ne tarderont pas à en faire une icône pour cette "ethnie à l’abandon" qu’est la communauté africaine-américaine. Le voici donc prophète ou presque, parfois à son corps défendant, soucieux qu’il est de conserver sa liberté de pensée et de renvoyer dos à dos les manipulateurs de la "négritude".
Paul Beatty signe une épopée satirique et cadencée, truffée de références sans déférence au Mouvement des droits civiques (à ce titre, les 18 pages de notes de l’éditeur, à la fin du livre, sont bienvenues et particulièrement éclairantes) et qui rappelle aux "wasps" repentants comme aux "blacks" bien-pensants que la meilleure façon d’aider les "niggers" c’est de ne pas les prendre pour des "bébés phoques"… mais plutôt de leur foutre la paix.
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