Yasmina Khadra : l’Algérie coloniale sur le ring

Avec son nouveau livre, Mohamed Moulessehoul, alias Yasmina Khadra, raconte l’histoire d’un boxeur d’Oran qui veut maîtriser son destin. Une parabole percutante sur l’Algérie coloniale.

Habitué aux best-sellers, Yasmina Khadra s’instèresse à son pays, l’Algérie. © ERIC CABANIS / AFP

Habitué aux best-sellers, Yasmina Khadra s’instèresse à son pays, l’Algérie. © ERIC CABANIS / AFP

Publié le 5 septembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Les anges meurent de nos blessures est le roman d’une ascension qui commence par une chute brutale. Incarcéré, Turambo, un jeune homme de 27 ans, est sur le point d’être guillotiné. Poussé vers "la bascule à Charlot", la nuque sous la lame, il se remémore son parcours chaotique. Son histoire ? Celle d’un gamin déshérité qui a grandi dans un bidonville de Sidi Bel Abbès, au sud d’Oran, dans les années 1920. Peu à peu, l’enfant insouciant mûrit et prend conscience des injustices de l’Algérie coloniale, puis réussit à gagner le respect et sa pitance à la force de ses poings en devenant boxeur professionnel (sa trajectoire pourra rappeler celle de Marcel Cerdan, né en 1916… à Sidi Bel Abbès).

L’intrigue ne dépaysera pas les amateurs de Yasmina Khadra. Âgé de 58 ans, cet auteur algérien prolifique qui a déjà une trentaine d’ouvrages à son actif (dont une dizaine de best-sellers) creuse la veine romanesque au travers d’épopées riches en rebondissements. Né dans le Sahara algérien, ancien gradé de l’ALN, l’armée algérienne, il situe nombre de ses oeuvres dans son pays d’origine. C’était déjà le cas pour les aventures du commissaire Brahim Llob, des polars s’inscrivant dans un Alger gangrené par la corruption qui lui permirent d’acquérir une renommée internationale. Mais aussi dans Ce que le jour doit à la nuit, un roman adapté au cinéma l’année dernière : l’histoire d’amour contrariée entre une roumie (pied-noir) et un jeune Algérien avant l’indépendance.

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L’intimité des Algériens de l’époque

Les aficionados retrouveront dans l’ouvrage le mélange de romances et de violences propre à l’auteur. Le héros est entouré de personnages hauts en couleur : voleur (l’ami Sid Roho, capable de dérober son sifflet à un policier), Hercule noir toujours prêt à cogner (le boxeur Mouss), businessmen trempant dans des affaires louches… Cette faune interlope s’exprime dans un argot digne des dialogues de Michel Audiard. Mais le livre est structuré en trois chapitres – Nora, Aïda, Irène – qui suivent le parcours amoureux du héros. Avant tout roman d’apprentissage, il rappelle que les rapports entre hommes et femmes, sur fond de mariages arrangés et de relations tarifées, sont alors loin d’être évidents. C’est d’ailleurs l’une des forces du livre : réussir à nous faire pénétrer de manière convaincante dans l’intimité des Algériens de l’époque.

À travers les yeux de Turambo apparaît un pays où la couleur de peau détermine le cours de la vie, où un bicot, comme disent les colons, n’a même pas sa place au bordel. "C’est notre pays, la terre de nos ancêtres, et on nous traite en étrangers et en esclaves ramenés des savanes", s’indigne Sid Roho, un personnage un peu isolé dans sa colère, car la grande majorité des autochtones courbe encore l’échine avec fatalisme face au racisme quotidien.

Avec Turambo, qui prend peu à peu conscience des discriminations, Yasmina Khadra évoque en filigrane une Algérie qui s’éveille à la politique dans la douleur, "la naissance d’une nation au forceps". Et la description de ce pays sur le point de se métamorphoser fait étrangement écho à l’actualité à l’heure où, le président Bouteflika affaibli, l’Algérie peut basculer dans une nouvelle ère.

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