Mauritanie : « Seule l’éducation peut faire évoluer les mentalités »
Face aux archaïsmes et aux injustices qui pèsent encore sur la société mauritanienne, un long travail a été lancé. Le cadre législatif devra évoluer, mais c’est aussi l’enseignement qui doit transmettre aux plus jeunes les valeurs d’égalité et de mérite.
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Isselkou Ould Izid Bih
Ancien président de l’Université de Nouakchott et ex-ministre des Affaires étrangères de Mauritanie
Publié le 19 juillet 2022 Lecture : 3 minutes.
La société mauritanienne est confrontée à de nombreux défis dont les plus prégnants sont les archaïsmes sociaux et la mauvaise gouvernance au sein des institutions d’État. Des solutions communes existent néanmoins à ces deux problèmes. Une lutte efficace contre la mauvaise gestion est un puissant levier de modernisation sociale, et la promotion d’une citoyenneté véritable permet de déconstruire les préjugés qui sévissent dans notre société.
Volontarisme politique
Le 10 décembre dernier, le président de la République, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a appelé à lutter contre les injustices sociales causées par les croyances et les traditions archaïques. Quelques semaines plus tard, au palais Al Mourabitoune, il a répété aux hauts fonctionnaires la volonté ferme du gouvernement de s’attaquer à toutes les formes d’injustice et de corruption.
Les signes d’une évolution majeure sont là. Le changement de tutelle de l’Inspection générale d’État (IGE) et les récentes mesures prises à l’encontre de certains agents de la fonction publique confirment l’investissement de notre gouvernement dans ce combat. Il faut saluer le courage de tous ceux qui se sont engagés avec le président dans cette entreprise de transformation de nos institutions. Ils témoignent par leur engagement de ce qui fait le cœur d’une authentique action politique qui, comme le disait Jacques Chirac, « n’est pas seulement l’art du possible [mais] l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ».
En six décennies, l’État mauritanien peut difficilement être tenu responsable des archaïsmes sociaux et de la corruption endémique qui sévissent dans la société. Ces deux problèmes ont leurs origines dans l’histoire de l’Ouest sahélien et touchent également un grand nombre d’autres pays de la sous-région.
Pays précurseur
Depuis l’indépendance du pays, des efforts importants sont pourtant entrepris dans ce domaine. Le Code pénal mauritanien a intégré les pratiques esclavagistes au titre de « crime contre l’humanité » dont les auteurs sont dorénavant passibles d’au moins 20 ans de prison. Des tribunaux spécialement dédiés ont été mis en place sur l’ensemble du territoire, de façon à ce que chaque citoyen puisse saisir la justice. Les ONG peuvent aussi plus facilement intervenir et se constituer partie civile pour tout cas suspect. Enfin, le développement des moyens de télécommunications et des réseaux sociaux ont rendu improbable l’exploitation humaine et l’esclavagisme dans notre pays. Toutes ces avancées ont été rendues possibles grâce à la collaboration entre la société civile et l’État.
Par son action, la Mauritanie est devenue un pays précurseur dans une région où les pratiques esclavagistes et le système de castes demeurent bien souvent des tabous. Ces injustices sociales, parce qu’elles demeurent ancrées dans les mœurs et dans l’inconscient des peuples, servent à justifier les actes barbares et les discours de haine de certains, qui manipulent ces problèmes pour servir leurs propres fins politiques et idéologiques. Notre administration publique et notre société dans son ensemble, ont encore d’importants efforts à fournir pour se moderniser afin de compléter et consolider les progrès accomplis.
Développement par l’éducation
Ces efforts passent par différents leviers. Afin d’éradiquer définitivement toute forme de corruption au sein de l’administration publique, il convient de déconstruire l’ensemble des mœurs dévoyées de notre société. Il n’est pas normal que des individus coupables de détournement de fonds publics bénéficient d’une quelconque indulgence morale au sein de la société. Tout État au service du bien commun se fonde sur des principes auxquels aucun citoyen, quel que soit son statut, ne peut déroger.
L’éducation est quant à elle le canal par lequel les mentalités d’une société peuvent évoluer, et où les hommes peuvent cultiver le goût d’une authentique liberté. Il faut donc intégrer dans le système scolaire, et ce, dès le plus jeune âge, l’enseignement des socles fondateurs de notre société que sont l’égale dignité entre les hommes et les valeurs du travail et de la méritocratie.
C’est également sur ces mêmes principes que doivent prendre appui les réformes dans le recrutement de nos administrations. Il est primordial de privilégier le concours transparent pour sélectionner les meilleurs cadres de la Mauritanie. Les fonctionnaires ne doivent avoir de compte à rendre qu’à l’État mauritanien. L’équité véritable est à ce prix. Le cadre législatif et réglementaire sur lequel la Mauritanie peut appuyer sa politique existe déjà, encore doit il être scrupuleusement appliqué. Il est indéniable qu’avec un usage efficient des ressources disponibles, on peut déjà « faire la différence ».
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