Niger : effet boomerang pour Issoufou

En formant un gouvernement d’union nationale, le président Mahamadou Issoufou pensait contrecarrer Hama Amadou, son probable rival pour 2016. Las, c’est sa majorité qu’il a affaiblie.

Mahamadou Issoufou traverse sa première crise politique. © Bouteima Hama/AFP

Mahamadou Issoufou traverse sa première crise politique. © Bouteima Hama/AFP

Publié le 4 septembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Constat d’un diplomate en poste à Niamey : "C’est la première crise politique que vit Mahamadou Issoufou depuis son élection, et il s’y est mis lui-même !" Le calcul, typiquement politicien, semblait pourtant judicieux : former un gouvernement d’union nationale pour couper l’herbe sous le pied à Hama Amadou, son principal allié et néanmoins rival en vue de l’élection présidentielle de 2016. Mais il a eu des effets secondaires indésirables : la coalition au pouvoir a éclaté et, alors que le pays vit sous tension depuis les attentats d’Agadez et d’Arlit en mai, le gouvernement n’a d’union nationale que le nom. "Aujourd’hui, convient un ministre proche d’Issoufou, on ne sait pas vraiment qui a gagné et qui a perdu dans cette histoire."

Au départ, il y a une coalition gouvernementale dominée par le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), de Mahamadou Issoufou, et le Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine (Moden Lumana Fa), de Hama Amadou. Le premier a été élu président en mars 2011 grâce au soutien du second. En retour, Amadou a pris les rênes de l’Assemblée nationale, et son parti a intégré le gouvernement. Mais au fil du temps, la confiance – très relative – entre les deux hommes s’est effritée. Depuis quelques mois, l’entourage d’Issoufou prêtait à Amadou l’intention de se démarquer du président en vue du scrutin de 2016. "Il préparait un coup pour la rentrée parlementaire, il envisageait de se rapprocher de l’opposition", croit-on savoir au PNDS. D’où l’idée, lancée il y a deux mois, de former un gouvernement d’union nationale. Officiellement, il s’agissait de s’unir pour faire face aux périls qui menacent la nation : incursions jihadistes et contagion du fléau Boko Haram, le groupe islamiste nigérian. En fait, l’objectif était de contrecarrer les plans supposés d’Amadou.

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70 députés du PNDS

Mais l’affaire a tourné au vinaigre. Après avoir hésité à rejoindre le gouvernement, Seini Oumarou, le président du principal parti d’opposition, le Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara), a dit non. Ce qui n’a pas empêché quelques-uns de ses lieutenants d’accepter un portefeuille. Quant à Amadou, furieux de n’avoir obtenu que des "strapontins", il a claqué la porte après la publication du nouveau gouvernement, le 13 août. Problème : là non plus, la discipline de parti n’a pas été respectée. Trois des sept ministres issus du Moden ont refusé de quitter le gouvernement. Parmi eux : Omar Hamidou Tchiana, secrétaire général du parti et ministre des Mines.

In fine, seul le PNDS, qui se taille la part du lion dans le nouveau gouvernement, n’a pas éclaté. Mais c’est une victoire à la Pyrrhus. Issoufou en est réduit à faire des comptes d’apothicaire. "La majorité est à 56 députés, indique un cadre du parti, et nous en avons aujourd’hui 70"… dont une bonne dizaine apparaît comme volatile au vu de la division qui règne désormais au sein du Moden. "Le président avait une majorité aisée et il l’a rétrécie, se désole un diplomate européen. Maintenant, c’est l’inconnu. Amadou va-t-il rester président de l’Assemblée nationale ? Y aura-t-il une motion de défiance ?" Réponses en octobre, lors de la rentrée parlementaire.

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