En Tunisie, Ansar el-Charia devient une organisation terroriste
Plus question de complaisance envers les jihadistes en Tunisie. Le groupe Ansar el-Charia est désormais classé parmi les organisations terroristes.
"La Tunisie est une terre de prédication", assurait le groupe salafiste Ansar al-Charia à sa création, en 2011. Depuis, il a pris de l’assurance et sauté le pas entre prêche et jihad. Des menaces adressées aux laïcs, il est passé aux accrochages avec les forces sécuritaires, pour s’illustrer dans l’attaque de l’ambassade des États-Unis à Tunis, le 14 septembre 2012. À chaque fois, la justice a fait preuve à son égard d’une mansuétude troublante.
Mais aujourd’hui, la donne a changé. Le groupe est désormais classé parmi les organisations terroristes. Ses membres qui, comme Abou Iyadh, le chef de l’organisation, ont grandi dans le giron d’Ennahdha, le parti islamiste au pouvoir, sont à présent les hommes les plus recherchés du pays. Leur implication dans les assassinats des leaders de gauche Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et dans les affrontements sanglants du Jebel Chaambi, devenu leur camp retranché, ont mis Ennahdha au pied du mur. Entre pression internationale et crise politique, la décision gouvernementale ne surprend guère.
De leur côté, les Tunisiens guettent la riposte d’Ansar al-Charia. Quand son congrès de Kairouan a été interdit, en mai, le groupe a immédiatement provoqué un soulèvement dans une cité populaire de Tunis. "Il est difficile d’anticiper sa réaction, mais des initiatives individuelles sont envisageables", précise Michael Ayari, spécialiste de la question salafiste au sein de l’International Crisis Group. Les membres d’Ansar el-Charia ont déjà menacé d’apporter les preuves de leurs liens avec les dirigeants d’Ennahdha et du Congrès pour la République (CPR). Tout en niant leur participation aux assassinats politiques. Pourtant, le ministère de l’Intérieur – qui les surveille depuis deux ans – a révélé que l’organisation avait dressé une liste de personnalités à éliminer.
S’attaquer aux sources de financement
Reste que, habitués à la clandestinité, les salafistes jihadistes ne vont guère modifier leur mode de fonctionnement. Le 29 août, le groupe a déclaré que des concertations étaient en cours pour définir une réponse commune à la décision du gouvernement. Un de leurs proches confie : "Nous ne nous laisserons pas éradiquer. Nos frères à l’étranger nous aideront à traverser cette épreuve. Avec de la patience et des armes s’il le faut, nous réussirons à purifier l’islam sur cette terre."
Si Ansar el-Charia ne peut plus prétendre à une existence officielle, il peut en revanche poursuivre son action depuis la Libye, où il échappe à tout contrôle. Ansar el-Charia est connecté à d’autres katibas et à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Si une partie de ce réseau est dormant ou situé à l’étranger, ses 6 000 partisans, répartis en groupuscules armés indépendants, sont capables de réagir rapidement. "Il ne suffit pas de classer Ansar el-Charia comme une organisation terroriste, il faut surtout la couper de ses sources de financement, former des magistrats à la lutte antiterroriste et revoir les lois en la matière", insiste l’avocat Mehdi Bouaouaja.
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