Tunisie : estimations, transparence, opposition… Le référendum constitutionnel en 5 questions
Le 25 juillet, le référendum sur la nouvelle Constitution devrait aboutir à l’adoption d’un système politique opposé à celui de 2014. La campagne pour le « oui » offre déjà un aperçu de cette IIIe République conçue par Kaïs Saïed.
Parlement fortement affaibli, régime présidentialiste, pouvoir judiciaire réduit à une fonction, absence de garanties sur les droits des femmes… Les points problématiques du projet de nouvelle Constitution porté par le président Kaïs Saïed ne manquent pas. Mais les débats se concentrent sur la fin de « la partitocratie et du cirque parlementaire », tant l’image de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) est irrémédiablement dégradée aux yeux de nombreux Tunisiens, dont beaucoup n’ont lu le texte constitutionnel que d’un œil. Le 25 juillet, les citoyens décideront, par référendum, d’adopter ou de rejeter la nouvelle loi fondamentale. Pronostic, transparence du scrutin, position des partis… JA fait le point.
Forte abstention attendue
Si la publication des sondages est interdite depuis plusieurs semaines pour ne pas influencer la campagne électorale, des enquêtes d’opinion sont effectuées aussi bien pour des partis que pour des organismes de la société civile. Leurs résultats, qui font l’objet de fuites, sont concordants et cohérents. Les projections donnent ainsi le « oui » gagnant à plus de 70 %, avec un taux de participation évalué à 15 % seulement du corps électoral.
Qu’elle soit motivée par l’indifférence ou par le refus du processus, l’abstention devrait donc être élevée. « Je ne vais pas voter pour que le boycott soit tellement visible que les urnes ne puissent être trafiquées », affirme ainsi un avocat et ancien militant du Courant démocrate.
Transparence du scrutin
L’indépendance de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) est mise en doute depuis que ses membres ont été désignés par Kaïs Saïed, le 9 mai. Le meeting d’Afek Tounes à Téboulba (Sahel) le 17 juillet a ainsi été empêché, tout comme celui du Parti destourien libre (PDL) la semaine précédente – deux formations qui font campagne pour le « non ».
En ce qui concerne les affiches en faveur du « oui » comportant des emblèmes nationaux – une pratique formellement interdite par la loi électorale -, l’Isie a bien rappelé la règle en vigueur, mais sans effet. Autant d’éléments qui font douter certains de la transparence des résultats à venir, surtout que les observateurs locaux et internationaux n’ont pas été autorisés à suivre le déroulement du référendum dans les bureaux de vote.
Derniers arguments de campagne
Onze ans après la chute de Ben Ali, certains soutiens du projet présidentiel semblent prêts à jeter la démocratie avec l’eau du bain. « Nous avons consulté le peuple pour élaborer ce projet de Constitution, on ne peut être plus démocrates », balaie Anas Kriaa, coordinateur de la campagne dans la zone de Sfax. Le projet de nouvelle Constitution, expliquent-ils, prévoit la mise en place d’un Conseil des régions censé exprimer les demandes du peuple.
Pour convaincre les indécis, beaucoup de ceux qui promeuvent le « oui » usent du repoussoir islamiste. Leur argument : si la Constitution n’est pas approuvée, le retour à la configuration politique précédente sera inéluctable.
Reste que le décret 117 de septembre 2021 émis par Kaïs Saïed empêche tout retour en arrière et envisage les différents cas de figure de la transition. Et Kaïs Saïed a, à plusieurs reprises, spécifié que l’état d’exception perdurera jusqu’aux législatives de décembre 2022.
Opposition atone
L’opposition semble avoir été laminée. Les principaux partis ayant déclaré leur rejet de la Constitution, dont le PDL et Afek Tounes, ont été empêchés de tenir des meetings électoraux.
« La déconfiture des partis est actée par les résultats électoraux de 2019, Kaïs Saïed en a profité », assure un ancien député de Nidaa Tounes. D’autres, comme El Watad, ont retiré leur soutien au président après son offensive sur le pouvoir, le 25 juillet 2021. Le parti dénonce, un an plus tard, le manque de transparence dans le processus référendaire, l’absence de seuil électoral et l’inaction du pouvoir face à la crise économique.
De son côté, Kaïs Saïed sait qu’il peut compter sur le rejet d’Ennahdha. Rached Ghannouchi a ainsi été convoqué par le pôle antiterroriste pour répondre d’accusations de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme dans l’affaire de l’association Namaa Tounes.
Également dans la ligne de mire des autorités, la présidente du PDL, Abir Moussi, a été évacuée en ambulance après avoir subi des violences policières, le 7 juillet, lors d’une manifestation de son parti devant le siège de l’Isie pour protester contre le projet de nouvelle Constitution.
Absence de débat contradictoire
Au vu de la nature des débats, les médias audiovisuels n’ont pas permis au grand public de saisir les enjeux du référendum, à l’évidence, d’autant que le texte intégral de la Constitution, après les corrections apportées le 8 juillet à la première mouture, n’est pas disponible. Le vote portera donc sur un texte dont la version finale n’a pas été diffusée. Les soutiens de Kaïs Saïed ont été nombreux à s’inscrire sur les listes des partis et personnes physiques disposant d’un temps de parole dans les médias, quand les partisans du « non », eux, sont pratiquement invisibles sur les plateaux.
Mais quantité ne rime pas nécessairement avec qualité. Sur la radio Express FM, le 16 juillet, l’un des soutiens du projet présidentiel, Hassen El Husseini, a éprouvé bien des difficultés à citer un élément positif de la nouvelle Constitution, tandis que Abdessalem Hamdi, coordinateur de la campagne explicative, a considéré, le 17 juillet sur Shems FM, au micro de Maryem Belkadhi, qu’il y avait plus de libertés dans le texte proposé car « il consacre 36 articles aux libertés, contre 28 dans la Constitution de 2014″…
Les résultats définitifs ne seront pas annoncés avant le 28 août.
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