Israël met un terme au rapatriement des Juifs d’Éthiopie en Israël

Conséquence du durcissement de sa politique migratoire, l’État hébreu met un terme, le 28 août, à la campagne de rapatriement des Juifs d’Éthiopie amorcée en 2010.

Manifestation des Falashas en 2007. © Dan Balilty/AP Photo/Sipa

Manifestation des Falashas en 2007. © Dan Balilty/AP Photo/Sipa

perez

Publié le 28 août 2013 Lecture : 4 minutes.

C’est la fin d’une épopée de quarante ans entachée de nombreux scandales. Le 28 août, l’État hébreu refermera une longue parenthèse de son histoire. C’est à cette date que les deux derniers vols collectifs de Juifs en provenance d’Éthiopie atterriront sur le tarmac de l’aéroport Ben-Gourion, à Tel-Aviv. L’Alya (la montée en Israël) de ces 400 immigrants mettra fin à l’opération "ailes d’hirondelle" amorcée en 2010 et qui aura permis d’acheminer en Terre sainte près de 6 700 membres de la communauté falasha – terme signifiant "exilé" en amharique, mais à connotation péjorative.

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L’interruption de cette campagne a été annoncée à la fin de juin, dans une lettre signée du délégué de l’Agence juive en Éthiopie, Asher Seyum. Les installations qu’il dirige, regroupées dans la ville de Gondar, seront remises au gouvernement éthiopien. Pendant des années, grâce aux généreuses donations des communautés juives américaines, ces camps de transit offraient nourriture, éducation et diverses formations aux prétendants à l’émigration.

Les descendants du roi Salomon et de la reine de Saba

En dépit d’un affermissement des critères d’entrée, quelque 200 Juifs éthiopiens ont continué d’affluer chaque mois en Israël, par vagues ininterrompues. Le bureau du Premier ministre a fait savoir que les candidatures restantes seraient désormais examinées au cas par cas et que "le regroupement des familles et les questions humanitaires spécifiques" seraient pris en compte. Officiellement, le gouvernement entend réorienter ses ressources financières pour améliorer les conditions de vie des Éthiopiens se trouvant déjà en Israël.

Voilà plusieurs années que l’État hébreu tente d’infléchir sa politique d’immigration massive. Ses responsables estiment que le principe d’aide aux Juifs dans le besoin a fait l’objet d’abus, entraînant à maintes reprises l’arrivée d’immigrants sans relation ou presque avec le judaïsme. Ceux qui défendent le "droit au retour" des Falashas fustigent une décision arbitraire. "Alors qu’ils parlent hébreu, étudient le judaïsme et rêvent désespérément de vivre sur leur terre, 2 500 d’entre eux risquent l’abandon quand le dernier avion aura quitté l’Éthiopie, fin août", s’alarme Shira Milgrom, militante juive new-yorkaise, connue également comme une influente femme rabbin.

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En Israël, le sort des derniers Juifs d’Éthiopie suscite une relative indifférence, y compris dans la classe politique. Cette atmosphère tranche avec l’euphorie qui avait suivi l’opération Moïse, organisée dans le plus grand secret par le Mossad. À l’époque, en 1985, un vaste pont aérien avait permis l’exfiltration de quelque 8 000 Falashas, via des camps de réfugiés au Soudan qu’ils avaient rejoints à pied, souvent au péril de leur vie. Cette action clandestine fut reconduite en 1991, permettant cette fois l’acheminement de 14 000 Juifs d’Éthiopie en l’espace de quarante-huit heures – opération Salomon.

Longtemps persécutée, cette communauté africaine ne s’est vu reconnaître sa judaïté par les autorités rabbiniques qu’en 1975. Considérés par certains historiens comme l’une des dix tribus perdues du royaume d’Israël, les Falashas, d’après la tradition orale de la Bible, descendraient des Israélites ayant accompagné le prince Ménélik, fils du roi Salomon et de la reine de Saba, lorsqu’il apporta l’arche d’alliance en Éthiopie, au Xe siècle avant J.-C.

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Une intégration semée d’embuches

Sur les 120 000 Falashas recensés aujourd’hui en Israël, près des deux tiers sont nés après l’immigration de leurs parents dans les années 1990, alors que l’Éthiopie était en proie à la famine. Leur intégration a cependant été parsemée d’embûches : en plus d’être confrontés aux discriminations et au racisme de certaines franges de la société israélienne, les Juifs éthiopiens vivent dans une situation de détresse économique. Près de 60 % des familles dépendent aujourd’hui de l’aide sociale et vivent en dessous du seuil de pauvreté, tandis que la toxicomanie et l’alcoolisme font des ravages chez les jeunes. Souvent logés dans des villes périphériques du Sud éloignées des bassins d’emplois, les Falashas connaissent un taux de chômage élevé – de l’ordre de 65 % chez les plus de 45 ans.

De nombreux scandales ont également émaillé leur parcours. En 1996, lors d’une opération nationale de collecte, le Centre israélien de transfusion sanguine a fait jeter tous les dons des immigrants d’Éthiopie, de crainte qu’ils ne soient porteurs du sida. Dans les années 2000, pour obtenir le droit d’émigrer en Israël, les femmes d’origine juive éthiopienne auraient été contraintes de recevoir une injection du Depo-Provera, un contraceptif supposé les rendre stériles pendant trois mois. Leur calvaire s’est poursuivi en Terre promise, où ce traitement leur a été réadministré par des représentants du Joint Distribution Committee (JDC), une ONG américaine d’aide aux réfugiés juifs, assistés par le ministère israélien de la Santé. Le résultat est édifiant : le taux de natalité au sein de la communauté falasha aurait chuté de 50 % au cours de la décennie écoulée…

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