Tchad : conditions de travail déplorables et pollution chez le pétrolier CNPC
La société chinoise CNPC a été suspendue pour violation des normes environnementales. Un énième épisode dans ses relations tumultueuses avec les autorités.
L’effet de surprise. C’est ce que recherchaient les inspecteurs du ministère de l’Énergie et du Pétrole en arrivant, ce 12 août, sur le site de Koudalwa (300 km au sud de N’Djamena), où la filiale tchadienne de China National Petroleum Corporation (CNPC, compagnie publique) a foré plus de 200 puits depuis 2009. "Nous avions des informations sur les méthodes des Chinois. Nous voulions les prendre sur le fait pour qu’ils n’aient pas le temps de dissimuler quoi que ce soit", explique-t-on au ministère.
Mission accomplie, et le constat est effarant. Sur le site, des milliers de litres de pétrole issus des tests de rendement des puits, qui devraient être récupérés, sont brûlés ou déversés sans protection dans des tranchées creusées à même le sol. Colère du ministre, Djerassem Le Bemadjiel : "Ils n’ont même pas de camion pour aspirer le brut déversé. Ils en mettent dans des trous et demandent aux employés tchadiens de le récupérer avec des gobelets. Dans quel pays avez-vous vu des pratiques pareilles ?"
Le 13 août, les autorités annonçaient la suspension des activités de la CNPC à Koudalwa pour "violation flagrante des normes environnementales". Dans la foulée, elles ont lancé un audit général. Dès le 15 août, les premiers inspecteurs du cabinet américain Alex Stewart International, spécialisé dans le secteur minier, ont atterri à N’Djamena. Ils étaient déjà en contact avec les Tchadiens pour une évaluation de l’ensemble des opérateurs présents sur le territoire. "L’incident n’a fait qu’accélérer leur déploiement", précise le ministre.
Est-ce la fin d’une époque, celle où les pétroliers clamaient leur souci de l’environnement sans se soucier de respecter les normes ? L’affirmer serait aller trop vite en besogne. Mais la société civile, d’ordinaire très critique face à l’inaction des autorités dans ce domaine, "salue le retour du gouvernement et l’encourage à aller de l’avant" par la voix du Groupe de recherches alternatives et de monitoring du projet pétrole Tchad-Cameroun (Gramp T-C).
Le bras de fer que N’Djamena vient d’entamer avec la compagnie chinoise n’est que la énième manche dans la longue série de négociations qui les ont opposés. Autour du brut de Koudalwa, mais aussi de la raffinerie de Djermaya (en périphérie de la capitale), coentreprise entre l’État tchadien et la CNPC – qui l’alimente à raison de 15 000 barils par jour.
>> Lire aussi : Le Tchad suspend les activités d’un géant pétrolier chinois
Un pétrole "social" demandé par le gouvernement tchadien
Déjà, en juin 2011, l’inauguration de l’usine avait été retardée de plusieurs jours. À l’origine du blocage, un désaccord entre les deux associés sur le tarif des produits finis. Les autorités tchadiennes le voulaient bas, pour proposer un "pétrole social", alors que les Chinois souhaitaient vendre au prix du marché. Le gouvernement l’avait emporté. Mais selon la CNPC, les tarifs pratiqués ne permettaient pas d’amortir ses investissements. Quelques mois plus tard, l’entreprise était donc revenue à la charge. Le Premier ministre en personne s’était alors rendu à Djermaya pour fermer la raffinerie pendant quelques jours, en janvier 2012.
Mais le prix n’est pas la seule pomme de discorde. Augmentation de salaire des employés, ouverture des installations aux étudiants de l’Institut universitaire du pétrole de Mao… Autant de sources de tension. La bataille pour le respect des normes environnementales ne devrait donc pas être le dernier épisode des relations houleuses entre le gouvernement tchadien et son partenaire chinois.
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