Le Tanzanien Kikwete balaie les immigrés
Les autorités tanzaniennes ont décidé d’expulser les clandestins. Sur le terrain, seuls les ressortissants rwandais ont été visés.
Ezra a tout perdu. Sa maison, ses biens, son troupeau. Installé en Tanzanie depuis trente ans, ce septuagénaire n’a eu que quelques heures pour empaqueter ce qu’il pouvait avant d’être renvoyé vers le Rwanda. Un pays qui n’est plus vraiment le sien mais qu’il a dû regagner à la hâte après l’ultimatum du président tanzanien.
Fin juillet, Jakaya Kikwete menaçait d’expulser sous deux semaines tous les immigrés illégaux présents sur son sol afin de lutter "contre le banditisme". Aussitôt, dans le nord-ouest de la Tanzanie, autorités et populations locales se sont lancées dans une traque aux Rwandais. Des milliers d’entre eux ont dû fuir le pays.
La chasse aux clandestins lancée par le chef de l’État se voulait indistincte. Mais dans la pratique, elle semble avoir visé exclusivement les Rwandais ou assimilés. Contactés par Jeune Afrique, les bureaux du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) en RDC et au Burundi n’ont constaté aucun afflux de population particulier en provenance de la Tanzanie. Au Rwanda, en revanche, celui-ci n’a cessé de s’amplifier. Le 13 août, près de 5 000 réfugiés étaient déjà arrivés dans le district de Kirehe. D’après une source sécuritaire, "une partie de ces personnes résidaient en Tanzanie depuis plusieurs décennies, certaines y sont même nées", même si nombre d’entre elles ne s’étaient jamais souciées d’obtenir leur naturalisation ou un titre de séjour.
Mesure de rétorsion
Selon la même source, cette traque aux clandestins est considérée par les autorités rwandaises comme une mesure de rétorsion, sur fond de divergences au sujet de la crise en RD Congo. Fin mai, lors du sommet de l’Union africaine, Kikwete avait mis les pieds dans le plat en suggérant à Kigali de dialoguer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une rébellion armée créée sur les cendres des anciennes forces génocidaires réfugiées dans l’est de la RDC. Présent dans la salle, le président rwandais, Paul Kagamé, était resté de marbre. Mais dès le lendemain, sur RFI, sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, jugeait "aberrante" et "choquante" la proposition du chef de l’État tanzanien. Depuis, Kikwete est devenu la tête de Turc des médias et des officiels rwandais.
Fin juillet, lors d’un discours à la nation, il assurait avoir formulé "de bonne foi" la suggestion, qui s’appliquait aussi aux présidents congolais et ougandais. Apparemment blessé par la réaction rwandaise, il ajoutait : "Un gentleman aurait répondu : "Je suis en désaccord avec votre conseil." Nul besoin d’insulter ou d’avoir recours à des déclarations malhonnêtes."
À Kigali, un officiel fait remarquer que les autorités rwandaises n’ont pas été prévenues de l’expulsion. La ministre Mushikiwabo a tout de même fait savoir aux Tanzaniens résidant au Rwanda qu’ils y restaient "les bienvenus".
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