Stromae : un nouvel album teinté d’Afrique
Stromae, jeune chanteur belge né d’un père rwandais victime du génocide, sort un nouvel album promis à un bel avenir. Il y fait référence à une Afrique qu’il avoue mal connaître.
Une grande statue de cire immobile, au regard absent. C’est ainsi que Stromae représente le père dans le clip Papaoutai (« Papa, où t’es ? »), titre qui figure sur son nouvel album, √ (« racine carrée »), sorti le 19 août. Cet auteur-compositeur-interprète de 28 ans, devenu une star en 2010, notamment en Belgique et en France, après l’immense succès de sa chanson Alors on danse (3 millions de singles vendus), est bien parti pour une nouvelle réussite commerciale : la vidéo Papaoutai, mise en ligne début juin sur la plateforme YouTube, a déjà été visionnée plus de 35 millions de fois.
Comme souvent chez l’artiste belge, la mélodie, électronique et très dansante, dissimule un texte mélancolique lourd de sens : « Ah sacré papa ! / Dis-moi où es-tu caché ! / Ça doit faire au moins mille fois / Que j’ai compté mes doigts. » Et pour une fois, ce jeune homme très pudique se livre sur un thème largement autobiographique. Car Stromae (« Maestro », en verlan), de son vrai nom Paul Van Haver (le patronyme de sa mère belge), a peu connu son propre père, un architecte rwandais sur lequel il porte un jugement peu amène. « Il est parti tout de suite, a-t-il confié au quotidien français Le Parisien. C’était un coureur, un dragueur. J’ai appris bien après que j’avais des demi-frères et des demi-sœurs.
Né à Bruxelles, Stromae s’est rendu au Rwanda à l’âge de « 5 ou 6 ans », dit-il, mais ce souvenir reste associé aux crises de paludisme qui l’avaient alors affecté. Puis son père, tutsi, sera tué pendant le génocide de 1994, ce qui mit définitivement un terme à leur relation en pointillés. L’enfant n’apprendra son décès qu’après plusieurs mois, probablement parce que le corps n’a jamais été retrouvé, indique un proche de la famille. « J’étais plus triste de voir ma tante souffrir d’avoir perdu un frère, que moi d’avoir perdu un père », assure-t-il. Stromae a d’ailleurs écrit une première version de Papaoutai plus rancunière, avant de se raviser.
Ne pas renier ses racines
Du génocide, qui est survenu quand il n’avait que 9 ans, il n’a que des échos lointains, ceux des appels téléphoniques annonçant le décès de membres de la famille dont il ignorait souvent tout. À l’inverse d’autres artistes européens d’origine rwandaise, comme le rappeur français Gaël Faye ou le chanteur belge Jali, Stromae ne mentionne jamais, dans ses textes, le passé tragique du pays des Mille Collines. « Je ne veux pas tomber dans le cliché du retour aux racines, du “I love Africa”, alors que j’ai grandi en Belgique », explique-t-il. Peu impliqué dans la communauté rwandaise de Bruxelles, il n’est jamais retourné au Rwanda depuis son enfance.
Il ne faut pas pour autant y voir un reniement de ses « racines », présentes jusque dans le titre de son nouvel album. Stromae y glisse plusieurs références à l’Afrique, avec notamment une chanson-hommage à la diva cap-verdienne Cesaria Evora, disparue en 2011 (Ave Cesaria). Dans Humain à l’eau, il explore les rapports entre pays du Nord et pays du Sud (« Moi humain papou / Primaire et pas vous ? / Si évoluer c’est ça / Moi j’évolue pas pour un sou »). Et dans Bâtard, c’est le racisme qui est abordé.
Le disque de ce grand jeune homme aux allures de dandy bariolé reste dominé par un son électronique, mais comporte des notes de kora et des airs de rumba congolaise, un genre qu’écoutait sa mère, passionnée de voyages. Ce sera sans doute trop peu pour séduire la jeunesse de Kigali, fière de lui mais davantage entichée de rap et de R&B américains. Stromae n’a, de toute façon, pas prévu de s’y produire.
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