Claver Gatete : « Le Rwanda est un pays crédible »
Claver Gatete, ministre rwandais des Finances et de la Planification économique le martèle : « Aucun État au monde n’utilise son argent aussi efficacement que le Rwanda ». Alors, quelles sont les recettes de Kigali pour attirer les investisseurs privés après le retrait de plusieurs bailleurs ?
Depuis son arrivée au ministère des Finances, en février, Claver Gatete a dû gérer des dossiers pour le moins délicats : la suspension de l’aide internationale à la suite des accusations d’ingérence en RD Congo voisine ; puis la toute première émission obligataire sur les marchés internationaux, en avril. L’opération a été couronnée de succès et Kigali y a vu une alternative aux bailleurs de fonds.
Souvent cité en exemple en Afrique pour ses réformes économiques, le Rwanda voit son PIB croître de plus de 7 % par an depuis près d’une décennie.
Jeune Afrique : Le Rwanda améliore son climat des affaires mais semble avoir du mal à attirer des partenaires privés pour ses grands projets d’infrastructures comme l’aéroport ou le centre des conventions, dont la construction a longtemps été à l’arrêt…
L’économie rwandaise n’a pas été affectée par la suspension de l’aide.
Clavet Gatete : Nous accueillons beaucoup d’investissements très importants. Dans le gaz méthane, par exemple, la société ContourGlobal est très avancée. Même chose dans le BTP ou l’agroalimentaire… Quant au centre des conventions, sa construction a été reprise en main par l’État parce qu’il n’y avait pas assez d’investisseurs. Mais nous confierons ensuite sa gestion au secteur privé.
En ce qui concerne le nouvel aéroport, nous faisons en sorte qu’il soit financé par plusieurs investisseurs.
Vous avez dû faire face à une crise lorsque certains donateurs, qui alimentent le budget national à hauteur de 40 %, ont suspendu une partie de leur aide.
Finalement, cette situation n’était pas une mauvaise chose. Elle nous a permis de montrer que notre économie est résistante. On nous avait promis de graves problèmes : l’inflation devait augmenter et la croissance ralentir…
En réalité, l’économie n’a pas été touchée, parce que le système bancaire a pu prendre le relais des donateurs. Le crédit au secteur privé a augmenté de 34 % et le PIB a crû de 8 % en 2012. Cela nous a montré qu’il était grand temps de mobiliser des ressources domestiques.
Claver Gatete – Profil
51 ans, né à Mbarara, en Ouganda, le 23 mai 1962.
– Diplômé de l’université de Colombie britannique à Vancouver (Canada) : master en économie agricole, 1993
– Ancien ambassadeur au Royaume-Uni, en Irlande et en Islande
– Ex-gouverneur de la Banque nationale du Rwanda
Le fonds de développement Agaciro [« dignité »] peut servir de filet de sécurité. Le budget de l’année fiscale 2013-2014 sera couvert à 62,2 % par les ressources domestiques, et nous voulons que ce pourcentage augmente jusqu’à couvrir toutes nos dépenses. La plupart des donateurs sont revenus.
Cherchez-vous désormais à diversifier vos partenaires ?
Traditionnellement, nous travaillions avec la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et des partenaires bilatéraux. Mais ils ne doivent pas être les seuls. Nous nous sommes rapprochés de la Turquie, de l’Inde et nous tentons de rejoindre la Banque islamique de développement, qui peut soutenir le gouvernement et le secteur privé. Nous travaillons enfin avec tous les fonds arabes.
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Nous voulons désormais traiter avec des institutions financières plutôt que des institutions politiques, qui peuvent vous déstabiliser à tout moment. Nous avons fait des efforts pour être un pays crédible. Aucun État au monde n’utilise son argent aussi efficacement que le Rwanda.
La preuve : lorsque nous sommes allés sur les marchés financiers pour vendre nos obligations, elles ont été sursouscrites 8,5 fois.
Le franc rwandais est à son plus bas niveau depuis deux ans…
Il faut comprendre la raison de ces fluctuations. Le Rwanda réalise de nombreux d’investissements productifs, mais la plupart des matériaux utilisés viennent de l’étranger. De fait, momentanément, nos importations augmentent et c’est ce qui explique cette baisse de la monnaie nationale. Ceci étant, ce taux de change favorise aussi nos exportations. Dans le monde, beaucoup de banques centrales tentent de faire baisser leur monnaie.
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