Achille Mbembe : « Nous devons créer pour nous-mêmes et pour les autres »

Entretien avec le politologue camerounais Achille Mbembe.

Achille Mbembe voit le monde comme un ensemble de mondes en circulation. © Cyril Folliot/AFP

Achille Mbembe voit le monde comme un ensemble de mondes en circulation. © Cyril Folliot/AFP

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Publié le 16 août 2013 Lecture : 2 minutes.

Méditations africaines : à la rencontre des intellectuels africains
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Méditations africaines : à la rencontre des intellectuels africains

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On le présente souvent comme un théoricien du postcolonialisme, et pourtant l’auteur de l’ouvrage « De la postcolonie » (2000) n’y tient pas. Installé en Afrique du Sud, pays qui lui permet « d’être témoin de la naissance d’une autre société », le politologue camerounais Achille Mbembe pense l’Afrique dans son rapport au monde, essentiellement depuis les indépendances. Ce professeur d’histoire et de sciences politiques à l’université du Witwatersrand (Johannesburg), qui invite à réfléchir sur « la politique du possible et pas seulement sur celle de la fatalité et de l’échec », appelle à ce qu’une révolution sociale radicale accompagne l’afropolitanisme, ce processus de créolisation des cultures et des sociétés qui a commencé bien avant la colonisation, qui permet d’être africain dans le monde et non pas hors du monde. Il publiera en octobre « Critique de la raison nègre » (La Découverte).

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Achille Mbembe : Je m’inscris dans une tradition de la pensée critique que j’appellerais la pensée-monde. C’est une pensée de la traversée et de la circulation, qui naît d’une réalité incontournable : notre monde est un faisceau de mondes en circulation. Penser ces mondes en circulation exige la rencontre d’intelligibilités multiples. Dans ce processus qui implique de la traduction, du conflit, des malentendus aussi, il y a des questions qui se dissolvent d’elles-mêmes, et cette dissolution autorise qu’émergent, dans une relative clarté, des exigences communes, voire la possibilité d’une universalité authentique.

Quel peut être, selon vous, le rôle des penseurs africains aujourd’hui ?

Leur rôle est d’accompagner, par la réflexion fondamentale, les formidables mutations dont l’Afrique et le monde font l’expérience. En ce qui me concerne, il s’agit d’accomplir ce rôle à partir d’une position de totale liberté et, lorsqu’il le faut, de détachement par rapport à tout, argent, pouvoir et honneurs en particulier. Beaucoup de penseurs africains font de l’ethnologie. Cela peut être exotique, mais cela n’intéresse pas grand monde. Nous devons affronter le monde.

Quels sont les principaux défis auxquels va être confronté le continent ces prochaines décennies ?

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Il y a un défi et un seul. Que l’Afrique puisse redevenir son centre propre, sa force propre. Et ce faisant, qu’elle puisse se hisser à hauteur du monde, qu’elle puisse créer pour elle-même et pour le monde quelque chose d’éminemment neuf.

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