Jean-Godefroy Bidima : « Il manque aux philosophes la violence libératrice »

Justice, littérature, éthique des soins, anthropologie du droit, esthétique… Les champs de recherche du philosophe de la « traversée », Jean-Godefroy Bidima, sont extrêmement larges. Pour ce spécialiste camerounais de l’école de Francfort, enseignant à l’université Tulane (Nouvelle-Orléans), la pensée doit être une « faille toujours ouverte qui se refuse aussi bien au repli identitaire […] qu’à la dissolution dans un universalisme coagulant » (« L’Art négro-africain », 1997). Traditions africaines et philosophie occidentale nourrissent sa réflexion sur la justice et la manière de renouer le lien social lorsqu’il est brisé (« La Palabre », 1997). Pour sa réflexion actuelle sur l’architecture en Afrique, Bidima emprunte autant au Latin Vitruve (vers 90 av. J.-C.-20 av. J.-C.) qu’au Japonais Nishida (1870-1945). Il s’inscrit ainsi pleinement dans ce qu’Ernst Bloch appelle l' »expérience du monde ».

Jean-Godefroy Bidima. s’inspire de nombreux auteurs et de différentes cultures. © DR

Jean-Godefroy Bidima. s’inspire de nombreux auteurs et de différentes cultures. © DR

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Publié le 19 août 2013 Lecture : 1 minute.

Méditations africaines : à la rencontre des intellectuels africains
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Méditations africaines : à la rencontre des intellectuels africains

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Jeune Afrique : Quel est le rôle des philosophes africains aujourd’hui ?

Jean-Godefroy Bidima : Il est multiple. Il s’agit de rappeler à l’Afrique que son histoire doit s’inscrire dans la durée et qu’il faut donc développer les notions de prospection, de projection et d’utopie. Et protéger le patrimoine. Nous devons également réfléchir avec les exigences et les intérêts africains propres non seulement sur les migrations des hommes, des idées et des religions, mais aussi sur les nouvelles modifications du lien social. Et enfin proclamer un nouvel athéisme contre la consommation techno­logique.

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Que manque-t-il aux philosophes africains pour qu’ils se fassent davantage entendre ?

Il ne leur manque pas de bibliothèques, ni de moyens et d’espaces d’expression à l’ère du numérique, ni le brio de la rhétorique, ni même des colères… très conventionnelles. Il leur manque la violence libératrice et honnête, celle qui s’exerce au-dedans de soi-même quand on a mis de côté les fictions qui nous protègent comme les corporations, la Bourse, la banque, la peur, le salaire, le confort, la réputation et les honneurs. Les philosophes africains ne seront crédibles – et entendus – que quand ils feront cette "réforme de l’entendement" (Spinoza).

Aujourd’hui, quels sont les principaux enjeux de la philosophie africaine ?

Au niveau local, il faudrait développer une approche de la culture matérielle en Afrique afin de se pencher aussi bien sur la question de la technique que sur celle de l’invention technologique et scientifique, gages du principe de puissance. Au niveau global, la philosophie africaine doit centrer sa réflexion sur les diverses manipulations actuelles de la vie, les risques alimentaires, médicaux, biotech­nologiques, nucléaires et sur les crises économiques. Elle doit être une réflexion sur la biopolitique.

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>> Lire aussi : Philosopher en Afrique : de la domination à l’indiscipline

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