Burkina Faso : l’ambassadeur de France, franc ou injurieux ?
Au Burkina Faso, certaines organisations de la société civile et des acteurs politiques réclament le départ de l’ambassadeur français, Luc Hallade, suite à des propos « discourtois ».
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 25 juillet 2022 Lecture : 2 minutes.
En manque de majorité absolue, le gouvernement français tardera à statuer sur le recul controversé de l’âge de la retraite à 65 ans. Mais Luc Hallade, âgé de six décennies et demi depuis le moi de mai, a peut-être envie de raccrocher les gants professionnels pour partir pêcher dans son Aisne natale. C’est que le quotidien de l’ambassadeur de France au Burkina Faso ressemble, ces derniers jours, au destin d’un punching-ball…
La chèvre ou le chou
Si « juillet » rime, pour les expatriés « gaulois », avec festivités et bagages estivaux pour la chère patrie, la version 2022 de ce mois a plutôt été, pour le diplomate, le point de départ d’une polémique. Le 5 juillet, devant les représentants du sénat français du Groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest, l’ambassadeur oublie que le caractère feutré du langage diplomatique générique nécessite, au Sahel contemporain, une double couche de velours. Évoquant la crise sécuritaire actuelle, il affirme que « l’absence de résultats » sur le plan militaire provoque des frustrations de plus en plus fortes et que « ce conflit endogène est en réalité une guerre civile ».
Ménageant habituellement la chèvre de l’amitié franco-burkinabè et le chou du ressentiment anti-politique française, les autorités transitoires burkinabè s’irritent. Dans une note rappelant que « les chefs et financiers de ces groupes terroristes ne sont pas des fils de ce pays », le ministère burkinabè des Affaires étrangères proteste « vigoureusement » contre ces propos du diplomate français, qu’il qualifie de « discourtois, inamicaux, assez graves » et de nature à saper une cohésion sociale arrosée, ces dernières semaines, de discours de réconciliation nationale.
Quant à la présumée « absence de résultats », il va sans dire qu’elle entre en collision frontale avec le discours burkinabè officiel de « montée en puissance des forces armées nationales », face à des terroristes « acculés par endroits »…
Résonances malheureuses
Balle diplomatique à terre ? Que nenni. Toujours débridé, dans le cocon peu hermétique des célébrations de la fête nationale française, le 14 juillet, Luc Hallade regrette « que les réseaux sociaux soient devenus les idiots utiles, la caisse de résonance » de ceux qui accusent la France « de jouer un double jeu ». Que l’on maîtrise ou pas le sens originel de l’expression « idiot utile », parfois attribuée à Lénine, la résonance du mot « idiot » ne pouvait manquer de faire grincer des dents, déjà parmi les invités de la garden party…
La réaction la plus tonitruante viendra de Monique Kam, qui exige rien de moins que « le départ de l’ambassadeur de France au Burkina, avec effet immédiat », un diplomate qu’elle dit s’être « trompé d’époque ». Ne souhaitant pas se limiter à ce qui pourrait être entendu comme un cri d’orfraie, l’ancienne candidate à l’élection présidentielle programme « une marche suivie d’un sit-in devant l’ambassade de France à partir du vendredi 12 août à 14 h, renouvelable tous les vendredis jusqu’au départ de cet ambassadeur ». Comme il se doit, les internautes qui se considèrent plus « utiles » qu’ »idiots » embouchent rapidement la même trompette…
Quelle substance y a-t-il donc dans l’air intègre du Faso, pour que les bouches ne semblent plus, selon l’expression locale, « porter de caleçon » ? Au cours de ce même mois de juillet, c’est le commandant de la force française Barkhane, le général Laurent Michon, qui comparait le groupe paramilitaire russe Wagner – en procédure d’approche vers le Faso – à un « dealer de drogue ».
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