La règle du jeu
Majorité et opposition sont tombées d’accord sur les moyens de redonner de la transparence aux élections. En attendant la présidentielle de 2016, les locales prévues cette année feront figure de test.
Les 30 qui (re)font le Congo
Nous sommes en décembre 2011, à Pointe-Noire. Ce jour-là, le président Denis Sassou Nguesso pose la première pierre de l’extension du terminal de l’aéroport António-Agostinho-Neto. Parmi les orateurs, Isidore Mvouba, alors ministre des Transports. Avec une franchise inattendue, ce dernier aborde une question délicate : 2016. C’est-à-dire l’année où s’achèvera le second septennat du chef de l’État, qui, selon la Constitution de 2002, ne pourra pas se représenter. Subtilement, Mvouba laisse entendre que la question ne doit plus être taboue, qu’il faut en parler. Et depuis, on en parle. L’opposition va-t-elle pouvoir se renforcer lors des prochains scrutins locaux et mieux s’organiser pour 2016 ? Une révision de la Constitution permettra-t-elle d’ici là au président de briguer un troisième mandat consécutif ?
Les spéculations vont bon train, aussi bien dans les rangs de la majorité, où certains souhaitent voir Sassou Nguesso se représenter "pour qu’il achève les chantiers qu’il a initiés", que dans ceux de l’opposition, où des voix s’élèvent déjà, à l’instar de celle de Clément Mierassa, le président du Parti social-démocrate congolais (PSDC), pour rappeler que "l’année 2016 est pour tous les Congolais un repère très important […]. Cela ouvre la voie à l’alternance politique au pouvoir". Le chef de l’État, lui, chaque fois qu’on lui demande s’il se retirera ou s’il envisage de se représenter, préfère botter en touche : "Ce n’est pas à l’ordre du jour."
>> Lire aussi : Congo-Brazzaville : Denis Sassou Nguesso candidat en 2016 ?
L’opposition conteste systèmatiquement les résultats d’élections
En attendant, les Congolais fondent beaucoup d’espoir sur le recensement administratif spécial qui doit permettre d’établir un fichier électoral fiable. Car depuis plus de dix ans, l’opposition n’a cessé de contester les résultats des scrutins en accusant le pouvoir de recourir à la fraude – notamment à des électeurs fictifs – pour l’emporter. Une première rencontre a eu lieu en décembre 2011, à Ewo, afin de clarifier la situation. Elle a permis de mettre en place un nouveau système pour encadrer le décompte des votes : "Les procès-verbaux des dépouillements seront rédigés sur place, et les résultats affichés le même jour. Chaque parti, chaque groupement aura le procès-verbal du dépouillement. Chaque candidat, chaque parti sera représenté dans les bureaux de vote", résume Raymond Zéphirin Mboulou, le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation. Pourtant lors des législatives de 2012, l’opposition a encore affirmé avoir été lésée. Pour calmer le jeu, une concertation politique nationale a été organisée fin mars 2013 à Dolisie. Plusieurs centaines de représentants des partis politiques et de la société civile y ont participé, seules quelques formations qualifiées de radicales sont restées à l’écart. Cette fois, un consensus a été trouvé sur tous les points. Les élections locales prévues en juillet ont été reportées, le temps de réviser entièrement le fichier électoral, un processus paritaire impliquant les partis, la société civile, les citoyens et l’administration. Chaque inscrit recevra par la suite une carte d’électeur biométrique – même si cela ne sera pas possible à temps pour les locales. Enfin, la Commission nationale d’organisation des élections (Conel) devient un organe permanent et indépendant sur les plans administratif et financier. Les fonctionnaires n’auront plus la mainmise sur le déroulement des scrutins. Première mesure découlant de cet accord, le recensement administratif prévu à partir du 23 juillet dans les 111 circonscriptions du pays a été décalé de quelques jours, le temps d’achever la formation des agents recenseurs.
Des candidats rattachés à aucun parti
Cette remise à plat suffira-t-elle à modifier le paysage politique congolais ? Rien n’est moins sûr. Plusieurs paramètres contribuent à la toute-puissance actuelle de la majorité présidentielle. Et en premier lieu la faiblesse de l’opposition. En proie à de graves dissensions internes, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads, l’ancien parti au pouvoir) n’a obtenu que 7 sièges à l’issue des législatives de 2012 (contre 11 en 2007), sur un total de 139. Même dans les départements du Niari, de la Bouenza et de la Lékoumou (sud du pays), censés être son fief, le parti de l’ex-président Pascal Lissouba est en perte de vitesse. Pour le moment, aucune autre formation de l’opposition ne fait mieux. Or, tant que les principales institutions resteront désespérément monochromes, le fonctionnement de la démocratie sera bancal. L’espoir est donc que les partis de l’opposition sortent renforcés des prochaines élections locales.
De son côté, le Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir) a une équation délicate à résoudre. Lors des législatives de 2012, certains candidats à la députation issus de petites formations de la mouvance présidentielle ont préféré se présenter en indépendants, provoquant ainsi l’ire du grand frère. Depuis, la dizaine de candidats sans étiquette qui ont été élus n’ont toujours pas été autorisés à rejoindre le groupe parlementaire du PCT. Le comité central prendra-t-il des sanctions à leur égard ? Avec 89 élus du PCT à l’Assemblée nationale, la majorité ne semble pas près d’imploser. Cependant, les élections locales seront pour elle aussi l’occasion de montrer si elle joue le jeu. Avec les nouvelles règles.
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