L’autre moitié du Congo
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 13 août 2013 Lecture : 2 minutes.
Il est des comparaisons qui interpellent. Celle-ci, par exemple : pourquoi le Congo est-il le dernier de la classe en Afrique centrale quant au nombre de femmes au sein de son gouvernement ? Elles sont 4, pas une de plus, contre 8 au Gabon, au Cameroun et en Guinée équatoriale, 6 en RDC, 5 au Tchad… Pourquoi occupe-t-il le même (et mauvais) rang, en chiffre absolu et en pourcentage, pour le nombre d’élues au Parlement : 10 députées sur 136 sièges, 20 représentantes sur 208 si l’on y ajoute les sénatrices ? Sur le continent africain, seules l’Égypte et les Comores, deux pays musulmans, font pire dans ce domaine.
Pourquoi le Parti congolais du travail, parti au pouvoir censé, comme il le répète, "donner le rythme et la cadence" – et qui vient de tenir à Brazzaville le congrès constitutif de sa nouvelle organisation féminine -, ne compte-t-il que 13 % de femmes au sein de son comité central ? Pourquoi, en dépit des fréquentes directives du président Sassou Nguesso (et de l’engagement de son épouse) en faveur de la parité, cette autre moitié du Congo que sont les Congolaises demeure-t-elle très largement exclue de la sphère politique ?
Au pays de Tchimpa Vita, la Jeanne d’Arc mythique du royaume kongo, il est certes loisible aux femmes de fréquenter, souvent avec bonheur, les terrains associatif, caritatif, culturel, médiatique ou économique, comme le démontrent quelques-uns des profils de ce dossier. Mais dès qu’on aborde les choses "sérieuses", en l’occurrence la politique, le monde des hommes se referme comme une huître. Que diable ne se contentent-elles pas, ces Congolaises, du statut privilégié que leur octroie une société matrilinéaire, qui fait d’elles des reines dans leurs foyers ? Et elles voudraient en outre régenter la cité ?
Celles qui, à force de courage et d’obstination, parviennent à percer le plafond de verre du machisme doivent sans cesse apporter la preuve de leur mérite, sans échapper pour autant au soupçon permanent d’une "promotion canapé" due à des talents qui n’ont rien à voir avec leurs compétences. Hélas, dans une communauté où la méfiance et la jalousie sont des traits quasi culturels, les premières à colporter ce type de rumeurs misogynes sont souvent… les femmes elles-mêmes.
Il suffirait pourtant, pour que tout se régule, pour que le Congo offre enfin un visage où la parité en politique soit une réalité, que les hommes n’aient plus peur des femmes. Peur qu’elles leur prennent leur place, peur qu’elles les bousculent, peur qu’elles les obligent à faire et à penser la politique autrement, peur de ces ovnis au féminin jugées "ingérables" dès lors qu’elles ne se conforment plus au stéréotype de la maman charnue, de préférence en pagne et le nez dans ses marmites. Ce jour-là, oui, le Congo s’éveillera vraiment.
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